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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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Niémen, se trouve,
elle aussi, en piètre état. Les hommes souffrent de la
faim – « les soldats ne devaient leur rare
nourriture qu'au hasard », nous dit E. Tarlé –
et la cavalerie était « à peine vivante »,
selon l'expression de l'un des combattants.

    Il n'en faut pas
moins se battre et la joie des Russes à la pensée que
l'on allait en découdre n'a d'égale que celle de
Napoléon.

    – Enfin,
s'exclame-t-il, il va y avoir bataille ! Dans quinze jours, Alexandre
n'ait plus ni capitale ni armée ! Alors nous pourrons conclure
la paix.

    Cependant, dès
le lendemain, le général Automne donne un nouvel
avertissement à l'Empereur. Des pluies diluviennes s'abattent
sur l'armée. Voici les canons à nouveau embourbés,
le charroi immobilisé, les chevaux enfoncés dans la
terrible boue jusqu'aux jarrets. Une estafette parvient toutefois à
atteindre le quartier général et apporte d'affreuses
nouvelles d'Espagne : Marmont a été pulvérisé
aux Arapiles et Madrid est menacée par les forces anglaises de
Wellington.

    Placé en
avant-garde, le roi Murat fait savoir à Napoléon ce
même jour que Koutouzov semble vouloir se battre et qu'il
fortifie puissamment la position en avant des petits villages de
Borodino, de Gorki et de Seménovskaïa, à cent
trente kilomètres devant Moscou. Il hérisse le sol de
retranchements et de redoutes qu'il truffe de canons. Les Russes se
croient assurés de barrer ainsi la route de Moscou à
l'envahisseur ! L'Empereur, lui, est convaincu, cette fois, de
remporter la victoire ! Mais la boue a englué les combattants,
les clouant littéralement au sol.

    – Si la
pluie continue encore toute une journée, s'exclame Napoléon,
nous nous retirerons sur Smolensk.

    Fort heureusement,
le soleil se met à luire, sèche en partie cet effarant
marécage et les troupes peuvent reprendre les route.

    Le samedi 5
septembre, les deux armées sont face à face et, ce
jour-là, ce sont les Russes qui ont choisi leur terrain. Ils
sont cent douze mille, selon le colonel Toll. Ils occupent un front
convexe d'une longueur de quatre kilomètres et possèdent
une artillerie de six cent quarante canons tirant des boulets plus
lourds que ceux employés par les canons français.

    Cette nuit-là,
le bivouac impérial est établi en arrière du
village de Borodino, un groupe d'isbas qui entrera demain dans
l'Histoire...

    Napoléon
s'endort...

    « Je
n'oublierai jamais le moment où je passai avec mon bataillon
devant la tente de Napoléon gardée par deux
sentinelles, racontera le Westphalien von Lossberg. Un officier se
précipita vers nous et nous prescrivit le calme complet parce
que l'Empereur dormait. Les soldats interrompirent leur chant de
marche et nous passâmes en silence devant cette tente impériale
qui se distinguait par sa dimension et sa hauteur, et était
visible de loin, grâce à deux lanternes suspendues, pour
guider tous ceux qui devaient rejoindre l'Empereur dans la nuit... »

Le massacre de Borodino
    Pour mieux
comprendre les péripéties de ce que Napoléon
appellera la lutte des géants – « ma plus
grande bataille », dira-t-il même à
Sainte-Hélène – j'ai voulu arpenter à
trois reprises le célèbre champ de bataille. Il demeure
là, dans cette plaine coupée de molles collines et de
vallons très encaissés, une singulière présence.
Lorsqu'on vient de Moscou, après avoir traversé une
interminable forêt de bouleaux et de pins, après avoir
abandonné la grande route de Minsk, on laisse à sa
droite le cours tortueux de la Moskova – Moskova-Peka –
qui, pour Napoléon, donnera son nom à la bataille : la
rivière de Moscou parle assurément plus à
l'imagination des Français que le misérable village de
Borodino !

    Après
Mojaïsk, la première étape de cette manière
de pèlerinage se trouve au centre du hameau de Gorki,
surplombant la nouvelle route de Smolensk. Il s'agit d'une butte de
cinq à six mètres de hauteur sur laquelle, pendant
toute la bataille, Koutouzov demeura assis sur son banc de bois – sa causette – que l'on portait toujours derrière
lui. Il tenait dans sa main sa nagaïka , l'agitait,
traçait avec elle quelques traits sur le sol. De là,
calmement, parfois maussade, parfois comme absent, il envoyait ses
ordres vers Barclay de Tolly ou vers le prince Bagration commandant
les deux ailes de l'armée.

    Trois cents mètres
plus loin, après une descente rapide, on traverse la Kolocza,
une rivière qui trace ses

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