La campagne de Russie de 1812
Garde 19 accourent et dégagent Napoléon, Caulaincourt et
Berthier qui avaient déjà mis tous trois l'épée
à la main.
L'alerte passée,
Napoléon rit maintenant avec Murat. Il a bien failli être
pris ! L'heure n'en demeure pas moins critique. Le combat dit de
Kalouga n'est assurément pas une victoire, quoi qu'en dise le
27e bulletin. Les Russes, elle, le considèrent bien comme la
défaite de l'ennemi, puisque la bataille a empêché
les Français de s'emparer de la position – le verrou –
tenue par Koutouzov et de descendre vers les provinces fertiles qui,
répétons-le, auraient permis de marcher vers Smolensk,
tout en nourrissant la Grande Armée. Pour Koutouzov,
l'événement marque bien l'acheminement vers la victoire
finale.
Une ultime fois se
pose pour Napoléon la question : que faut-il faire ?
Pour Murat, on
doit poursuivre !
– Qu'importe
cette attitude menaçante des Russes, s'exclame-t-il, et leurs
bois impénétrables ! Je les méprise ! Qu'on me
donne seulement les restes de ma cavalerie et celle de la Garde et je
vais m'enfoncer dans leurs forêts, dans leurs bataillons,
renverser tout et rouvrir à l'armée la route de
Kalouga.
Davout soutient
l'avis de Murat. Le « repli » – il n'ose
prononcer le mot de retraite – doit s'effectuer par le sud à
travers un sol fertile, sur une route vierge, nourrissière,
grasse, intacte, dans des villages encore debout... Et non par la
route de Mojaïsk à Smolensk, déjà suivie
lors de la marche vers Moscou.
– Un désert
de sable et de cendres, où des convois de blessés
s'ajouteront à nos embarras, où nous ne trouverons que
des débris, des traces de sang, des squelettes et la famine !
Brusquement
Napoléon clôt le débat :
– C'est
bien, messieurs, je me déciderai.
Le matin du 26
octobre, l'Empereur se rend compte que descendre vers le sud, bouclé
par les forces russes, est par trop risqué. Il décide
de gagner Smolensk en reprenant la route suivie lors de la marche
vers Moscou. N'est-elle pas gardée par de nombreux postes
français ? Au même moment, Koutouzov déclarait à
Wilson :
– Je suis
décidé à finir la guerre ici même, ou je
réussis ou l'ennemi passera sur mon corps.
Cependant, en
pleine nuit, assis au milieu de ses généraux, le prince
change d'avis et annonce son intention d'abandonner le verrou et de
se replier derrière la Koritza afin d'assumer la défense
même de Kalouga.
« Ces
paroles provoquèrent la stupeur générale, nous
dit sir Robert Wilson. On lui indiqua qu'une retraite nocturne par
une route étroite provoquerait la confusion et causerait la
perte de l'arrière-garde. » Mais Koutouzov refuse
d'abandonner son plan, ce plan que Napoléon connaîtra
trop tard...
« L'âge
du feld-maréchal, explique Wilson dans sa lettre au tsar
Alexandre, sa déficience physique peuvent jusqu'à un
certain point lui servir d'excuse. Mais on ne peut s'empêcher
de regretter la faiblesse dont il fait preuve en disant « qu'il
n'a pas d'autre désir... sinon de faire quitter la Russie par
l'ennemi » tandis qu'il ne dépend que de lui d'en
libérer le monde entier. Cette faiblesse physique et morale le
rend incapable d'occuper son poste et lui enlève le respect de
la troupe. » Et dans cette N arrative , il précisera
: « Koutouzov, ne voyant pas les événements
du jour par ses propres yeux, ne peut se faisait une idée
juste de la démoralisation de l'armée française.
Il la croit encore entourée du prestige que tant de victoires
lui ont donné. Il ignore que tout a changé et que le
génie de Napoléon a pâli. Les Français
n'ont plus d'autre but que de se sauver. »
Koutouzov espère
cependant parvenir à capturer Napoléon. Le signalement
de l'Empereur a été diffusé, déjà
depuis le 12 octobre, dans tous les régiments russes et
particulièrement, auprès des unités cosaques :
« La taille épaisse et ramassée, les cheveux
noirs, plats et courts, les sourcils bien arqués, mais froncés
sur le nez, le regard atrabilaire ou fougueux, le nez aquilin avec
des traces continuelles de tabac, le menton très saillant.
Toujours en uniforme sans appareil et le plus souvent enveloppé
d'un petit surtout gris pour ne pas être remarqué et
sans cesse accompagné d'un mamelouk. »
*****
La terrible
retraite napoléonienne débute véritablement le
mardi 27 octobre, tandis que l'on remonte vers le nord en tournant le
dos à Koutouzov qui, rappelons-le, se dirige, lui, vers
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