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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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cette
position, pendant quatre jours, la Garde et les trois corps d'armée
qui la suivaient sont venus successivement y laisser chacun à
leur tour la moitié de leurs soldats ; ce qui est échappé
de Krasnoé passera difficilement à Orcha, dans tous les
cas, nos dispositions sont faites sur la Bérézina de
telle sorte que ce sera là le terme de la course de votre
armée et de son chef, si mes ordres sont exactement suivis...

    Koutouzov fait
ensuite le bilan :

    – À
Malo-Iaroslavetz, j'ai livré bataille parce que je voulais que
vous reveniez par la route que vous aviez vous-mêmes
dévastée... De Viasma à Smolensk, vous avez été
conduits comme des prisonniers. J'aurais pu vous anéantir
jusqu'au dernier avant votre arrivée devant cette ville ; mais
je savais que sans engager un seul de mes soldats, je pouvais
assister à la désagrégation finale de votre
armée. Vous voyez, depuis que vous êtes avec moi, le
souci que j'ai de ménager mes hommes ; tous les trois jours,
je les laisse souffler, et si demain je manquais de ravitaillement,
je m'arrêterais aussitôt parce que nous autres, barbares
du Nord, nous ne faisons pas bon marché de la vie de nos
soldats.

    *****

    Au départ
de Bohr, Napoléon tire son épée et crie :

    – Jurons
aussi, à notre tour : plutôt mourir les armes à
la main en combattant que ne pas revoir la France !

    Et les hommes qui
en ont encore la force mettent leurs chapeaux au bout de leurs fusils
ou de leurs sabres et crient : « Vive l'Empereur ! »

    Et l'on poursuit.

    Ceux qui étaient
à pied se traînaient péniblement , raconte le
sergent Bourgogne, ayant presque tous les pieds gelés et
enveloppés de chiffons et de morceaux de peaux de mouton, et
mourant de faim. L'on voyait, après, quelques débris de
la cavalerie de la Garde. L'Empereur venait ensuite, à pied et
un bâton à la main. Il était enveloppé
d'une grande capote doublée de fourrure, ayant sur la tête
un bonnet de velours couleur amarante, avec un tour de renard noir. À
sa droite marchait le roi Murat ; à sa gauche, le prince
Eugène, vice-roi d'Italie, ensuite les maréchaux
Berthier, prince de Neufchâtel ; Ney, Mortier, Lefebvre, ainsi
que d'autres maréchaux dont les corps étaient en partie
anéantis. »

    Des larmes coulent
sur les joues de l'un des chasseurs et retombent sur ses moustaches
« d'où pendent des glaçons ». Il
se retourne vers son ami, le sergent Bourgogne :

    – En vérité
je pleure d'avoir vu notre Empereur à pied, un bâton à
la main, lui si grand, lui qui nous a faits si fiers !

La Bérézina
    L'Empereur, avide
de nouvelles, ne sait même pas si les troupes de Victor et
d'Oudinot occupent bien Borissov, et surtout, si le pont franchissant
la Bérézina est encore libre. Il a simplement appris
que Koutouzov est à quatre où cinq journées de
marche. Il faut donc se hâter afin d'éviter
l'encerclement avec les deux autres armées russes, celles de
Tchitchagov et de Wittgenstein.

    À six
lieues de la ville, le 24 novembre, un colonel de l'état-major
du maréchal Victor, venant de Borissov, arrive devant le
maréchal Ney et lui annonce de graves événements.
On devine le mot de Bérézina...

    – Qu'est-ce
qu'il dit celui-là ? interrompt brusquement l'Empereur.

    – M le
maréchal Victor, répond le colonel, m'a chargé
de venir rendre compte que l'armée russe de la Moravie est
arrivée sur la Bérézina et qu'elle s'est emparée
de tous les passages...

    – Ce n'est
pas vrai, interrompt l'Empereur, ce n est pas vrai ! Cela ne se peut
pas !

    Mais le colonel
poursuit, imperturbable :

    – Deux
divisions ennemies se sont emparées du pont et occupent déjà
la rive gauche 22 .
La rivière n'est pas encore assez gelée pour qu'on
puisse la passer sur la glace.

    – Vous
mentez, s'exclame l'Empereur, fort en colère. Vous mentez, ce
n'est pas vrai !

    – Sire, je
n'ai pas été chargé d'aller reconnaître
les positions de l'ennemi, répond l'officier en ne perdant pas
son calme. M. le Maréchal m'a envoyé pour faire ce
rapport, je remplis ma mission.

    « Voyant
Bonaparte remuer son bâton, a raconté un témoin 23 de la scène, je crus qu'il allait en frapper le colonel ;
mais, au même moment, il se pencha en arrière, les
jambes écartées, le bras gauche appuyé sur sa
canne, grinçant des dents, le regard étincelant de
fureur, et, fixant le ciel, il éleva le bras droit comme pour
le menacer. Il lui échappa un cri de rage, alors il

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