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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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« Chartered Cie » où Barrett
me propose un nouveau contrat pour l’Afrique du Sud. Je décline l’offre en
remerciant.
    Saint-Aignan m’ouvre les bras et chacun se félicite de ne
plus me voir repartir. Georgette a attendu mon retour pour se marier. Je prends
avec discrétion tous les frais de la noce à ma charge et offre aux jeunes
mariés une chambre à coucher et une salle à manger, meubles dont ils rêvaient.
Lors du bal suivant la cérémonie, j’observe Julienne. Elle danse presque
toujours avec le même cavalier. Encore, me dis-je, un mariage qui se prépare.
    De nouveau à Paris, je rencontre Mangini tout heureux de me
revoir.
    — Que vas-tu faire ?
    — Je cherche du travail.
    — Quand te décideras-tu à devenir singe à ton
tour ?
    — Il faut être très riche.
    — Absolument pas. Tu sais que Paris prépare une
nouvelle Exposition universelle. Nous allons édifier le Grand et le Petit
Palais aux Champs-Elysées, à la place du Palais de l’industrie démoli en 96.
Sur la colline du Trocadéro s’élèveront les pavillons des colonies. Si on ne
compte pas l’annexe de Vincennes, l’Exposition s’étendra sur cent huit hectares
offerts au public. Un trottoir roulant circulera sur de grandes portions. Je
connais bien Alfred Picard le directeur général de l’ensemble. Accompagne-moi.
Je te proposerai, en tant que constructeur à ton compte de deux passerelles sur
le quai de Billy, face au Trocadéro, à droite et à gauche du pont d’Iéna.
    Il est difficile de résister à une telle offre. Je me laisse
conduire au bureau du Commissariat des études. Mangini parle pour moi à un
sous-directeur.
    — Mon cher Dupré, je tiens l’homme qu’il te faut pour
édifier tes passerelles. J’en réponds comme de moi-même. Donne-lui carte
blanche, tu ne le regretteras pas.
    Dupré, un grand sec à barbiche grisonnante, me montre les
plans et m’explique :
    — Ces passerelles en bois et fer doivent s’intégrer
dans un ensemble artistique. Des câbles soutiendront le tablier.
    — Tu tombes, mon cher Dupré, en plein dans la
spécialité de Bernardeau. Prépare-lui son contrat, il le signe séance tenante.
    Je suis pris dans un tourbillon de paroles, chiffres et
papiers. Mangini, de sa main, inscrit le montant total. Je regarde par-dessus
son épaule. C’est affolant, impensable, déraisonnable.
    — Tiens ! signe, là, Adolphe.
    Puis, se tournant vers Dupré, il ajoute d’une voix sans
réplique :
    — Et le commissariat fait une affaire à ce prix-là.
    Dupré parcourt la feuille, puis signe à son tour. Le contrat
est conclu. Je n’en reviens pas.
    — Nous déjeunons ensemble ? propose le responsable.
    — Pas aujourd’hui, Bernardeau et moi devons régler une
autre affaire. Excuse-nous, mais remettons-ça à vendredi midi. Cela te
va ?
    Dupré jette un œil rapide sur un petit carnet noir et
répond :
    — Entendu. Vous passez me chercher aux environs de midi.
    Mangini, pour se déplacer, possède une « vis-à-vis
Peugeot ». À l’aller, comme au retour, nous nous frayons un passage à
travers les fiacres, piétons et charrettes à grands coups de
« pouet » - « pouet » ! Je trouve ce moyen de
transport très agréable, mais également fort dangereux pour les piétons.
    — J’ai choisi cette automobile m’explique-t-il car on
peut monter à quatre dedans, mais il faut avoir des notions de mécanique et
d’électricité pour ne pas tomber en panne.
    Je le regarde faire et me surprends à rêver d’une arrivée un
jour à Saint-Aignan au volant de ma propre automobile. Me voilà donc devenu
entrepreneur sans domicile, sans entrepôt, sans matériaux et possédant en ma
bourse une somme qui ne correspond pas à un tel chantier ! Mangini me
donne des conseils :
    — Tu trouveras tout à crédit chez Daloz dans le Jura.
Pour les câbles, vois Teste à Lyon. À Fives-Lille tu auras tes entrées pour la
ferraille. Je t’ai préparé des lettres d’introduction qui t’ouvriront des
portes sans bourse délier. Tiens ! prends-les. Voici aussi un chèque de
vingt mille francs pour tes premiers frais. Nous ferons les comptes plus tard.
À toi de jouer. Fonce droit devant toi. Il faut que je te quitte, j’ai
rendez-vous au ministère. Tu sautes de la voiture où ça t’arrange.
    Je suis confondu par tant de gentillesse. Je n’ai même pas
le temps de le remercier comme j’aurais voulu. Devenir singe ! Quelle
promotion ! Quelles

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