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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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d’Arbresle et des restes du château du
XI e siècle, quelques pans de remparts et l’église du XII e et XV e . Le tissage de la soie règne en maître sur ces lieux où la
teinturerie l’accompagne. Courcieux-les-Mines me révèle les secrets de la
pyrite aux reflets dorés qu’on transforme en acide sulfurique. Tout est
prétexte à m’enrichir. Plus je prends de l’âge, plus la curiosité grandit en
moi.
    Deux semaines plus tard, je fais mon entrée au bureau rue
Mulet. Sur ma table une colline de dossiers m’attend. Les ingénieurs qui
travaillent dans le service me paraissent pleins de talent : les deux
frères Pierre et Yves, fils d’un ami de papa Rabier ; Jacques que j’avais
aperçu plusieurs fois rue des Recollets à Saumur ; et enfin Gédéon, le
plus âgé, qui tutoie notre singe et écrit des poésies en dehors de ses heures
de travail. La politique ne me préoccupe pas ; mais je jette un coup d’œil
sur le journal. La France a déclaré la guerre à la Chine le 18 décembre 1884.
En 1885 nos troupes subissaient la défaite de Long Son et le ministre Jules
Ferry en payait les conséquences. Brisson le remplace. Actuellement les
troubles à Decazeville secouent la France. Les grèves paralysent les mines. La
politique intérieure et la politique extérieure ne font que m’effleurer. Mes
amis eux commentent les faits avec passion. L’Angoumois, dans ses réunions,
pousse les ouvriers à s’unir loyalement afin de contrebalancer le pouvoir
patronal. Quelques indécrottables Soubises ou Indiens, veulent continuer la
« guéguerre » entre eux. L’« avocat des pauvres » lutte
sans merci contre ces combats fratricides. Je comprends ses idées ; mais
lors de discussions avec lui, je m’efforce souvent vainement de l’inciter à ne
pas détruire l’esprit « compagnonnique » pour ne le remplacer que par
un syndicalisme à outrance.
    Les mois passent. Les journées sont faites de mille détails
qui occupent totalement mon temps.
    Un ou deux soirs par semaine, Léontine et son époux
m’invitent à dîner. Je retrouve durant quelques heures le climat familial qui
me manque beaucoup. J’arrive à leur parler de mes parents avec moins de
détermination qu’auparavant.
    — Tu sais, mon petit Blois, que je suis resté toujours en
rapport avec ton père. Je le mets au courant de toutes tes activités et
crois-moi la réussite dans ton travail compense pour lui la peine de ne pas te
lire.
    — Je me doutais, Monsieur Rabier, de votre rôle et vous
en remercie. Saint-Aignan reste un rendez-vous important pour moi. L’orgueil et
l’entêtement qui m’habitent toujours composent les forces qui m’animent depuis
ce fameux matin où j’ai marché librement devant moi, pour prouver que je
pouvais faire quelque chose et devenir quelqu’un.
    — Tout se calmera, mon petit. La paix régnera à
nouveau ; mais ton père est fatigué. La vie ne se montre pas toujours
tendre envers lui. Il accepte avec joie et résignation la charge de tes frères
et sœurs. Je voudrais bien d’autre part que tu ailles faire un tour à Paris où
tu rencontreras mes amis ; en bref, te faire voir un peu, prendre des
contacts, acquérir des relations.
    — J’allais vous en parler. Paris bouge énormément. La
tour Eiffel se construit. La galerie des Machines s’y édifie.
    — Beaucoup de projets en cours feront de Paris la
grande capitale mondiale pour le centenaire de la Révolution. Les travaux ne
s’arrêteront pas de sitôt. Il faut que tu gagnes Paris.
    — Oui, mais ici ?
    — Ce qui m’intéresse c’est toi, mon petit. Il te faut
prendre le plus de galons possibles. Seul Paris peut te les proposer. Ici nous
nous regroupons entre provinciaux. Les Parisiens hautains, presque maladroits,
ne se souviennent pas que Paris ne forme au fond qu’une province parmi toutes
les autres. Seulement on y dirige tout. C’est là qu’on donne les lettres de
noblesse aux inventions. L’Europe et les Amériques prennent la capitale pour le
phare de la pensée. Nous devons en être fiers. Le pouvoir, les sciences, les
décisions restent et resteront parisiens. Il faut donc te rendre à Paris. Je
t’y aiderai. Comme moi tu oublieras leurs défauts, leurs vices, leur orgueil
pour t’intégrer à ces gens qui restent avant tout des Picards, des Dauphinois,
des Orléanais ou des Toulousains. Tu ne plieras pas le genou en criant avec les
loups. Dans cette mêlée, je sais que tu surnageras parce que tu

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