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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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gagner ?
    Sans me démonter je réponds :
    — C’est à vous de me dire combien vous m’offrez !
    — Mes responsables reçoivent deux cents francs par
mois.
    À mon tour je souris, prends mon chapeau sur la chaise, à
côté de moi, et me lève. Il ajoute d’une voix pressée :
    — Nous pouvons discuter à partir de cette base.
    — Sachez, Monsieur, que j’ai toujours fait confiance à
mes employeurs et n’ai eu qu’à m’en féliciter. Votre proposition est sans doute
une aubaine pour un débutant perdu entre deux montagnes enneigées toute
l’année.
    — Alors ! dites-moi votre prix ?
    — Le double, Monsieur, pour mes débuts, avec un
intéressement en fonction de l’agenda des prévisions tenues.
    Ma voix claire, portante, ainsi que le ton ne donnent lieu à
aucune discussion.
    — Comme vous y allez ! C’est un ultimatum. Songez
que vous m’avez vous-même avoué que vous ne connaissiez pas grand-chose à ce
genre de construction.
    Je ne réponds pas et lui tends la main pour le saluer avant
de partir. Il la prend et enchaîne :
    — Les excellents renseignements que j’ai eus sur vous
me font fléchir. Mais abandonnez en échange votre intéressement jusqu’à ce que
vous soyez bien formé à ce travail.
    — Soit. À votre disposition. Je signerai le contrat
lorsque vous l’aurez établi. Où dois-je me rendre en attendant ?
    — Vous partez en Bretagne, à Lézardrieux, dans les
Côtes-du-Nord. Je préviens vos collègues là-bas. Mais pas un mot sur notre
accord.
    — Bien entendu, je n’ai qu’une parole.
    Pendant que nous échangeons ces dernières phrases, il
griffonne quelques mots sur un papier qu’il me tend en me disant :
    — Voici le lieu et les moyens de vous y rendre.
Restez-y une quinzaine de jours ; puis revenez me voir avant de repartir
sur Chalonnes.
    À la fin de ce stage, je ne me sens plus novice et participe
physiquement à la pose et à l’ancrage des câbles.
    Dès mon retour à Paris, Monsieur Arnodin m’envoie à son
bureau d’études et aux ateliers situés près de la porte d’Italie. Là je fais la
connaissance de sa femme qui passe son temps à fureter partout. Les employés
l’appellent Madame Charlotte. Je me méfie de cette femelle qui me pose des tas
de questions, me dérangeant dans mon travail. Je lui réponds du bout des lèvres
en évitant d’entrer dans les détails. Ça ne lui plaît pas.
    — Vous êtes timide, Monsieur Bernardeau ?
    — Absolument pas, Madame.
    — Si je vous pose des questions, c’est pour mieux vous
connaître.
    Elle m’agace cette grosse brune, pas très jolie, sentant fort
de la bouche, à la coiffure toujours en bataille. On dirait qu’elle sort du
lit. Je lui fais signe de la main que je me trouve en plein calcul, mais elle
ne désarme pas.
    — Vous avez des frères et sœurs ? Mon mari m’en a
parlé, dont deux frères en âge de faire leur première communion ?
    Du coup je sens que je vais éclater. En plus elle est
bigote !
    — Chacun, Madame, mène sa vie comme il veut en
conservant ses croyances. Je vous demande de ne pas me déranger quand je suis
devant ma planche à dessin. Ne m’interrompez plus s’il vous plaît !
    Elle pousse un oh ! outragé en se dirigeant vers un
brave garçon récemment embauché.
    Dans le courant de la semaine suivante, je pars pour
Chalonnes. Me voici à nouveau sur ma Loire. Je me sens mieux tout de suite. Le
chantier se révèle important aussi. Un vieil ingénieur nommé Colas me met au
courant et m’inculque encore d’autres « trucs » de métier qui me
serviront plus tard.
    Quinze jours après, fortifié de ce que j’ai appris, je me
retrouve dans le XIII e arrondissement auprès d’Arnodin qui est en
pleine discussion avec un dénommé Labèche, un grand bonhomme au visage coupé au
couteau qui ne sait quoi faire de ses mains. Arnodin hurle :
    — On n’abandonne pas son poste sans mon autorisation.
Vous avez manqué aux règles.
    Son interlocuteur tente de se défendre :
    — Mais, comme je vous ai expliqué, les Espagnols ne
restent pas sur le chantier ou bien ils se battent entre eux… J’ai même failli
recevoir un coup de navaja.
    — Oui, mais vous n’avez rien reçu, Labèche. Vous ne
devez pas tout planter là et foutre le camp comme un péteux. Je vous donne
votre compte illico. Allez vous faire pendre ailleurs.
    — Mais !
    — Y’a pas de mais. Dehors ! ou c’est moi qui vous
sors !
    Labèche, le front

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