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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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voyait, avec une inquiétude qu’il pouvait à peine réprimer, une prodigalité si folle ; de temps à autre, il hasardait un avis, de la façon tranquille et discrète habituelle à ceux de sa race.
    D’abord Saint-Clair l’employa par hasard ; puis, frappé de son bon sens, de sa capacité, il s’en remit de plus en plus à lui, si bien qu’il finit par être chargé de l’approvisionnement de la maison et de la plupart des emplettes.
    « Non, non ; dit Saint-Clair, un jour qu’Adolphe se plaignait que le pouvoir passât en d’autres mains, laisse Tom à son affaire. Tu sais ce dont tu as envie, il sait, lui, ce qu’il en coûte ; et nous pourrions fort bien voir la fin de nos écus, si quelqu’un n’y veillait de près. »
    Jouissant de la confiance illimitée d’un maître, qui lui passait un billet sans le regarder, et qui empochait la monnaie sans compter, Tom n’avait pour sauvegarde contre les tentations que son inébranlable droiture, fortifiée de sa foi chrétienne ; mais cela suffisait : s’en fier à lui était la plus sûre garantie de sa scrupuleuse loyauté.
    Avec Adolphe, le cas était tout différent : étourdi, égoïste, gâté par un maître qui trouvait plus facile de laisser faire que de régenter, il en était venu à confondre le tien et le mien , au point que Saint-Clair lui-même était parfois troublé. Son bon sens lui disait que sa façon d’agir avec les inférieurs était injuste et dangereuse. Une sorte de remords chronique le poursuivait, sans lui donner la force de changer d’habitude : ce remords même se traduisait en excès d’indulgence. Il passait légèrement sur les fautes les plus graves, se disant que s’il eût rempli son devoir, ses gens eussent mieux fait le leur.
    Ce jeune maître, beau, spirituel, dissipé, inspirait à Tom un respect bizarrement mêlé d’inquiétude et de sollicitude paternelle. Qu’il ne lût jamais la Bible, qu’il n’allât jamais à l’église, qu’il plaisantât librement de tout ce qui s’offrait à la pointe de son esprit, qu’il passât les soirées du dimanche à l’Opéra ou au théâtre, qu’il fréquentât les clubs, les tavernes, et soupât plus souvent dehors qu’il n’était convenable, – c’est ce que Tom ne pouvait s’empêcher de voir, comme tous. Il en avait conclu que « le maître n’était pas chrétien » : mais il se fût bien gardé de faire part à d’autres de cette conclusion ; seulement, il en faisait le sujet de mainte et mainte prière, le soir, dans sa chambrette. Il lui arrivait aussi de dire quelquefois sa façon de penser, mais toujours avec un certain tact : comme, par exemple, lorsque Saint-Clair, invité par de bons vivants à se réunir à eux, fut rapporté chez lui, entre une et deux heures du matin, dans un état d’anéantissement qui ne prouvait que trop la victoire des appétits physiques sur le moral. Tom et Adolphe aidèrent à le coucher ; le dernier, regardant la chose comme une excellente plaisanterie, riait aux éclats du rustique effroi de Tom, assez simple pour passer le reste de la nuit debout, en prières, près de son maître.
    « Eh bien, qu’attends-tu donc ? dit Saint-Clair, assis le lendemain dans la bibliothèque, en robe de chambre et en pantoufles, comme il venait de donner à Tom de l’argent et l’ordre de faire quelques emplettes. Est-ce que tout n’est pas en règle ? ajouta-t-il en le voyant immobile à la même place.
    – J’ai peur que non, maître, » dit Tom d’un air grave.
    Saint-Clair posa sur la table son journal et sa tasse de café, et regarda Tom.
    « Eh bien, qu’y a-t-il ? Tu as l’air à peu près aussi réjouissant qu’un catafalque !
    – Je me sens pas bien, maître. J’avais toujours cru maître bon envers tout le monde.
    – Est-ce que je ne l’ai pas été ? Voyons, Tom, que veux-tu ? tu as envie de quelque chose, j’imagine, et c’est là ta préface.
    – Oh ! maître a toujours été bon pour moi : je n’ai pas sujet de me plaindre ; mais il y a quelqu’un pour qui maître n’est pas bon.
    – Que diable as-tu dans l’esprit, Tom ? Parle ! que veux-tu dire ?
    – La nuit dernière, entre une et deux heures, j’y ai pensé ; j’ai bien retourné la chose dans ma tête. Le maître n’est pas bon pour lui . »
    Tom avait le dos tourné et la main sur le bouton de la porte. Saint-Clair devint pourpre, mais il rit.
    « Oh ! c’est tout ? dit-il

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