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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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imprenable. Il n’y avait pas de frais d’éloquence, d’autorité, ou d’explication, qui pussent l’amener à croire une autre méthode supérieure à la sienne, ou à modifier en quoi que ce soit sa manière de faire. Dès longtemps, sa vieille maîtresse, la mère de Marie, lui avait concédé ce point, et miss Marie, ainsi qu’elle continuait à nommer madame Saint-Clair depuis son mariage, avait trouvé plus commode de se soumettre que de contester. Aussi Dinah régnait-elle sans contrôle. Ce qui l’y aidait encore, c’est qu’habile diplomate, elle unissait une grande souplesse de formes à une grande inflexibilité de fond.
    Dinah était passée maître dans l’art de trouver des excuses : elle en connaissait toutes les rubriques, et avait pour axiome qu’une cuisinière ne peut jamais avoir tort. Dans les cuisines du Sud, il ne manque ni de têtes ni d’épaules subalternes sur qui faire retomber le poids de ses péchés. Un dîner était-il manqué, il y avait cinquante bonnes raisons pour qu’il en fût ainsi, et autant de délinquants en faute, contre lesquels Dinah vitupérait avec un zèle infatigable.
    Il est vrai qu’elle échouait rarement en dernier résultat. Quoique sa façon de procéder fût quinteuse, intermittente, et qu’elle dédaignât de tenir compte du temps et du lieu, quoique sa cuisine eût généralement l’air d’avoir été dévastée par quelque ouragan terrible, et qu’elle eut, pour mettre ses ustensiles, autant de places diverses qu’il y a de jours dans l’an, si l’on avait la patience d’attendre que le monde surgît du chaos, le dîner finissait par arriver en bon ordre, et tel qu’un épicurien n’y eût pu trouver à redire.
    C’était le moment des préliminaires du repas. Dinah, qui soignait ses aises, et qui éprouvait le besoin de se ménager de grands intervalles de repos avant l’action, était assise sur le plancher, et fumait une vieille pipe tronquée, sorte d’encensoir qu’elle allumait pour aider à ses inspirations : c’était sa manière d’invoquer les muses domestiques.
    Groupée autour d’elle, la génération naissante, qui abonde toujours dans une habitation du Sud, s’occupait à écosser des pois, à peler des pommes de terre, à plumer des volailles. De temps à autre, Dinah, interrompant le cours de ses méditations, allongeait un coup de sa cuillère de bois à quelques-uns des jeunes travailleurs : car Dinah gouvernait ces petites têtes crépues avec un sceptre de fer : « ces jeunesses » n’étant crées et mises au monde, selon elle, que « pour lui épargner des pas. » Élevée dans ce système, elle l’appliquait rigoureusement.
    Après avoir fait la revue de diverses parties de la maison, miss Ophélia fit son entrée dans la cuisine. Informée par de nombreux rapports de ce qui se passait, Dinah avait résolu de se tenir sur la défensive, et de n’opposer aux nouvelles mesures qu’une feinte ignorance, sans en venir à une guerre ouverte.
    La cuisine était une vaste pièce carrelée, dont une immense et antique cheminée occupait tout un côté. Saint-Clair avait en vain tenté d’y substituer un foyer moderne à fourneaux. Aucun puseyiste [33] , aucun conservateur encroûté, ne se montra jamais plus inflexiblement attaché aux usages consacrés par le temps.
    À son retour du Nord, Saint-Clair, frappé de l’ordre qui présidait aux détails du ménage chez son oncle, et se berçant de l’espérance illusoire d’aider Dinah dans ses arrangements, l’avait libéralement pourvue d’armoires et de buffets : autant eut valu en pourvoir un écureuil, ou une pie. Plus il y avait de tiroirs, de resserres, plus Dinah trouvait de cachettes pour les chiffons, les peignes, les vieux souliers, les rubans, les fleurs artificielles fanées, et autres articles de toilette qui faisaient ses délices.
    Quand miss Ophélia entra dans la cuisine, Dinah ne se leva pas, et continua de fumer avec une tranquillité stoïque, suivant du coin de l’œil les mouvements de l’ennemi, mais absorbée en apparence dans l’inspection des travaux qui s’opéraient autour d’elle.
    Miss Ophélia débuta par ouvrir le buffet. Dès le premier tiroir elle demanda :
    « Que mettez-vous ici, Dinah ?
    – Presque tout, pa’ce que c’est commode et sous la main. »
    C’était en effet le réceptacle universel, à en juger par la variété de son contenu. Miss Ophélia en tira d’abord une belle nappe

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