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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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Dieu ! »

CHAPITRE XXXIX

Victoire.

Grâces soient rendues au Seigneur qui donne la victoire.
    Plus d’un parmi nous n’a-t-il pas senti, dans l’âpre et pénible route de la vie, combien, à certaines heures, il lui eut été plus facile de mourir que de vivre ?
    Le martyr, en face d’une horrible mort d’angoisses et de tortures, trouve, dans sa terreur même, un excitant, un puissant aiguillon. Il y a combat, lutte, et, par suite, une ardeur, un courage, un frisson vivifiant qui, à travers la crise douloureuse, porteront l’âme au seuil de l’éternelle gloire, de l’éternel repos.
    Mais vivre pour s’user, jour après jour, sous une basse, amère, avilissante, écrasante servitude ; sentir chaque nerf se relâcher, s’amortir ; chaque sentiment s’émousser, chaque lueur de pensée s’éteindre, – lent, continu, dégradant supplice de l’âme, où la vie intérieure s’écoule, saignant goutte à goutte, heure par heure, – ah ! c’est là qu’est la vraie pierre de touche de ce que renferme d’or pur le cœur d’un homme ou d’une femme !
    Lorsque, face à face avec son bourreau, Tom écoutait ses menaces, et croyait, du fond de l’âme, que sa dernière heure avait sonné, son cœur se gonflait de courage. Il lui semblait qu’il pourrait supporter les tortures, le feu, tout, avec l’image de Jésus et du ciel si proche au delà. Mais le tyran une fois loin, l’ardeur intérieure apaisée, vinrent les angoisses de ses membres las et meurtris, la douloureuse et pleine connaissance d’une abjection, d’une misère, sans espoir, sans rachat, – et le jour fut long à porter.
    Longtemps avant que ses plaies fussent fermées, Legris avait insisté pour qu’on remit le nègre aux travaux réguliers des champs. Alors recommenceront les labours successifs, les fatigues accumulées sur les fatigues ; les avanies de toutes les heures, aggravées par ce que peut inventer l’inimitié d’un esprit bas et pervers. Même dans l’aisance et la liberté, on sait ce qu’en dépit des adoucissements qui l’accompagnent la souffrance physique entraîne d’irritabilité. Tom cessa de s’étonner de l’humeur hargneuse et sombre de ses compagnons d’infortune : hélas ! ce caractère placide, heureux, habitude de sa vie entière, cédait presque aux incessantes attaques des mêmes fléaux. Il s’était promis quelque peu de loisir pour lire sa Bible ; mais là, il n’y avait pas de loisir. Au fort de la saison, plus de dimanches, ni arrêt, ni repos : Legris poussait toutes ses mains sans relâche. – Et pourquoi pas ? Il faisait ainsi plus de coton et gagnait son pari. S’il usait quelques nègres de surplus ? eh bien ! il en rachèterait de meilleurs. D’abord Tom, au retour du travail, chaque soir, avait coutume de lire un ou deux versets, à l’éclat vacillant de la flamme. Mais après le cruel traitement qu’il avait subi, il revenait si épuisé, si endolori, que la tête lui tournait, ses yeux faiblissaient quand il s’efforçait de lire, et il se voyait contraint de s’étendre, avec les autres, dans le dernier état d’épuisement.
    Faut-il s’étonner qu’au sein de si profondes ténèbres, la sérénité religieuse, la foi qui l’avaient jusque-là vigoureusement soutenu, fussent ébranlées ? Le plus terrible problème de notre mystérieuse vie se présentait constamment devant lui : – des âmes écrasées, ruinées, le triomphe du mal, – et Dieu muet. Les semaines, les mois s’écoulèrent ; Tom luttait, l’âme abattue et sombre. Il songeait à la lettre écrite à ses amis du Kentucky par miss Ophélia, et priait Dieu avec ardeur de lui envoyer la délivrance ; puis, jour par jour, il veillait, dans une espérance vague de voir arriver quelqu’un envoyé pour le racheter. Personne ne venait, et il eût voulu arracher de son sein les amères pensées. – Était-ce donc en vain qu’il servait Dieu, que Dieu l’abandonnait ainsi ! – Quelquefois il rencontrait Cassy ; plus rarement, appelé à la maison, il apercevait à la dérobée la figure mélancolique d’Emmeline ; mais il n’avait de communications ni avec l’une ni avec l’autre ; et, vraiment, le temps manquait pour converser avec n’importe qui.
    Un soir, tout anéanti, il s’était accroupi près des brandons à demi éteints, devant lesquels cuisait sa misérable pitance. Il jeta deux ou trois broutilles sur la braise, essuya d’exciter un peu de flamme, et

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