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La chambre des officiers

La chambre des officiers

Titel: La chambre des officiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Dugain
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contrastait singulièrement avec nos grognements. Elle s'intégra très rapidement à notre clan, même si nos rencontres quotidiennes étaient toujours de courte durée.
    Elle n'avait pas informé de son état les membres de sa famille. Elle ne leur écrivait pas. Ils finirent par retrouver sa trace, mais elle refusa de se montrer. Penanster fut dépêché au-devant d'eux pour leur signifier le refus de Marguerite de les recevoir.
    Lorsque le père, sans s départir de sa suffisance, lui demanda la cause de ce refus, Penanster répondit qu'il l'ignorait. Il sentit que cette fin de non-recevoir soulageait les deux frères, en particulier le plus vaillant des deux, dont la bonne mine d'embusqué contrastait avec le teint farineux du second qui n'arrêtait pas de tousser. Penanster ne parvenait pas à
    détacher son úil valide du visage de la mère de Marguerite, au point qu'elle parut gênée de cette insistance. Elle ne pouvait pas savoir qu'à
    travers ses traits Penanster cherchait à reconstituer ceux de sa fille, pour imprimer dans son esprit un ordre définitivement disparu. Il y retrouva une similitude de belles proportions, mais aucune trace de cette bonté qui donnait au visage de Marguerite un éclat que la blessure ne parvenait pas à ternir. Pour finir, Penanster salua et tourna le dos à
    cette famille de bourgeois haussmanniens qui semblaient sortir d'une médiocre pièce de boulevard o˘ la tristesse finissait par l'emporter sur la bouffonnerie.
    Louis Levauchelle nous avait rejoints en novembre 1915. Sa blessure était très semblable à la mienne et à celle de bien d'autres blessés de l'étage.
    Un trou au milieu du visage, comme si les chairs avaient été aspirées de l'intérieur. II
    avait déjà subi dans des hôpitaux moins réputés que le nôtre trois tentatives de greffe. Cartilages de porc, de truie, de veau. Toutes trois rejetées.

    Les photos de sa femme et de ses deux fils reposaient à son chevet. Elles ne l'avaient pas quitté pendant ses quatorze mois de combat.
    Levauchelle faisait souvent le quatrième à 1a belote.
    Pendant les premiers mois de guerre, la 'hiérarchie militaire encourageait les blessés :maxillo-faciaux à rester casernés dans leurs hôpitaux, même lorsque leur état leur permettait de sortir. L'étalage de nos blessures risquait de compromettre le moral d'une nation engagée dans une guerre qu'on ne parvenait pas à conclure et qui exigeait un engagement croissant.
    Les visites étaient autorisées au comptegouttes et se déroulaient dans un parloir du rezde-chaussée, qui ressemblait à une salle de classe d'un lycée parisien un jour d'examen, avec deux bureaux et quatre chaises.
    Levauchelle écrivait fréquemment à sa famille, mais, comme chacun de nous, il n'avait jamais eu le courage d'avouer la gravité de son état.
    La première visite de sa femme et de ses enfants eut lieu le 21 juin 1916, premier jour de l'été.
    ''
    Dans la matinée qui avait précédé, Levauchelle m'avait consulté
    pour savoir quelle tenue
    de sortie serait la plus appropriée. Il hésitait entre garder ses pansements, porter un bandeau noir ou tout simplement laisser ses blessures à l'air libre. Je lui conseillai le bandeau, estimant que c'était encore le moins impressionnant. Il était agité comme un enfant.
    Je revois, à son retour, sa grande silhouette remontant le couloir vers la chambre. quand il me vit, il s'effondra sur mon épaule. Comme il n'était pas en état de parler, il se laissa tomber sur sa couche. Nous l'avons entouré, Weil et moi, de notre présence impuissante jusqu'à la tombée de la nuit, et l'avons quitté à l'extinction des feux.
    Au réveil, que je savais d'expérience être le moment de la plus grande difficulté morale, je m'approchai de son lit. Si mon odorat ne m'avait pas fait défaut, j'aurais pu être alerté par l'odeur du sang répandu. II s'était donné la mort.
    La veille, il avait demandé à une infirmière de lui procurer un paquet de bonbons pour ses enfants. Comme elle sentait que sa démarche allait manquer d'assurance, elle lui avait proposé de l'accompagner jusqu'au parloir.
    Ni sa femme ni ses enfants ne l'avaient reconnu. Le plus grand des garçons s'était enfui en courant dans le couloir et en criant: " Pas mon papa, pas mon papa! " Sa femme avait
    repris les enfants par la main, lui promettant de revenir quand il serait "
    plus en état ".
    Une messe fut dite pour Louis à la chapelle de l'hôpital. quatre compagnons

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