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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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étaient plus
grands et son nez plus droit.
    Le jeune homme rougit et serra les dents.
    – J’ai eu le nez cassé, Sir John, dans un combat
naval contre les Français.
    Le coroner posa sa grosse patte sur l’épaule du
chevalier.
    – Par les tétons de la reine Mab ! rugit-il.
Vous êtes le Maltravers qui a arraisonné le St Sulpice et le St Denis !
    Il fourra sa gourde dans les mains de Sir Maurice.
    – Quelle prouesse ! Ça apprendra aux
Français à s’aventurer en mer !
    Le chevalier hésitait entre colère et plaisir.
    – Allez, buvez ! le pressa le magistrat qui
lui serra l’épaule en regardant son scribe. Tu es en présence d’un héros, Simon !
Tout comme son père. Sais-tu que j’étais avec lui en France ? Quand le
Prince Noir s’est abattu comme l’ouragan sur la Normandie. Nous étions alors de
vrais chiens de guerre.
    Simon, soupirant, leva les yeux au ciel. Si Cranston
commençait à narrer ses exploits en France, ils seraient encore là à vêpres !
Par chance, le bouc fit mine de se diriger vers le parchemin posé sur la table.
Sir Maurice, suivant le regard du scribe, rendit en hâte la gourde à son
propriétaire.
    – Messire le coroner, je dois m’en retourner sans
tarder.
    – Bon, regretta ce dernier en tendant sa main, je
ne voulais point vous offenser, jeune homme.
    Sir Maurice fixa les yeux bleus limpides. Il se
remémora les rumeurs qui couraient sur ce célèbre coroner au teint vermillon, à
la moustache et à la barbe blanches hérissées. Homme intègre, c’était un
guerrier rude et loyal, qui n’épargnait à personne ses critiques, pas même au
régent. Il serra la main de son aîné.
    – Il n’y a pas de mal, Sir John. Monseigneur de
Gand vous fera part des raisons de sa convocation.
    Sir John arracha la corde à Simon et écouta les pas du
chevalier décroître dans l’escalier.
    – Un vrai héros, Simon, répéta-t-il d’un ton
rêveur. L’Angleterre produit peut-être encore des hommes de cette trempe, des
moissons de valeureux, de vaillants. As-tu jamais entendu ce vers ?
    Simon fit un geste de dénégation.
    – Je ne sais qui en est l’auteur, reprit le
coroner comme s’il parlait à son bonnet. En tout cas, ça donne à peu près ça.
    Il rejeta la tête en arrière et avança la jambe, adoptant
la posture d’un chanteur.
    – Ah oui, voilà ! « Depuis le début des
temps deux choses sont immuables : la verdure de la terre et le courage de
l’homme. »
    Il essuya une larme.
    – Splendide poème ! Oh, par le cul de Satan !
    Judas, s’étant faufilé de côté, mordillait maintenant
la gourde. Le magistrat jeta un coup d’œil furieux au bouc qui, comme s’il
éprouvait un grand penchant pour son nouveau propriétaire, le regardait avec
candeur.
    – N’as-tu pas lu les Évangiles ? beugla Sir
John. « Judas sortit et alla se pendre. » Si tu n’y prends garde, mon
garçon, il pourrait bien t’advenir le même sacré sort ! C’est ma gourde –
il souleva le précieux récipient – et tu ne dois jamais, jamais, jamais y
toucher !
    Et, tirant l’animal par la corde, Sir John quitta la
pièce pour se rendre dans Cheapside.
    S’il avait su ce qui allait se passer, il n’aurait pas
fait ce qu’il fit ce matin-là. La large rue de Cheapside était bondée de
chalands qui tournoyaient comme des bancs de poissons aux couleurs vives parmi
les nombreux étals. À peine avait-il entrepris de se frayer un chemin dans la
foule qu’on le remarqua.
    – Voilà Sir John et son bouc, railla-t-on. Un
penny pour qui peut faire la différence entre eux !
    Le magistrat, yeux exorbités, embrassa la scène du
regard.
    – Tadpole ! brailla-t-il à l’adresse d’un
petit mendiant famélique. Est-ce toi qui as crié cela ?
    – Moi, Sir John ?
    Le visage crasseux, avec ses yeux écarquillés, était
innocent comme celui d’un ange.
    – Sir John, comment oserais-je dire des choses
pareilles ?
    Maugréant entre ses dents, le coroner reprit sa route.
Le soleil était brûlant et le commerce allait bon train, proposant cuir, soie
et tapisseries, pots et poêlons, légumes et fruits provenant des fermes et villages
environnants. L’air était chargé d’une odeur de crottin mêlée aux parfums plus
doux des boulangeries et des éventaires offrant des plats chauds. De jeunes
godelureaux de la Cour paradaient dans leurs longs pourpoints aux vives
couleurs, chausses serrées, bottes à haut talon et brayettes

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