Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
Vom Netzwerk:
mâcher si vite que les deux hommes ne
purent que regarder la scène, stupéfaits.
    – Je crois que je comprends pourquoi il s’appelle
Judas ! s’exclama Simon. Il mord sans doute la main qui le nourrit !
    Sir John tâtonna en quête de sa gourde miraculeuse, pendue
à un crochet prévu à cet effet sous la table. Il la déboucha et s’octroya une
généreuse rasade. Le bouc le contempla, fasciné, et fit un pas en avant.
    – Ne t’y risque pas ! l’avertit Cranston. Ne
t’approche jamais de ça !
    L’animal, l’air quelque peu affligé, s’immobilisa tout
en continuant à mâcher le vélin.
    – Lady Maude, entonna le magistrat, a les boucs
en horreur.
    Les marmousets – il sourit en pensant à ses jumeaux, Stephen
et Francis –, eux, l’apprécieraient. Mais Blaskett son intendant, devenu le
fidèle allié de Lady Maude en temps de paix comme en temps de guerre, élèverait
aussi des objections. Quant à Gog et Magog, les lévriers irlandais, vrais
diables sortis de l’enfer, ils n’en feraient qu’une bouchée. Sir John prit une
autre gorgée à sa gourde sans quitter de l’œil la bête qui semblait fort
intéressée. Il aurait parié qu’elle s’était pourléchée.
    – Bon, alors, Simon, que proposes-tu ? Et
pas d’insolence !
    – Naturellement, Sir John. Mais frère Athelstan
est votre secrétaire…
    Le large visage du magistrat se fendit d’un grand
sourire.
    – Bien sûr !
    Il tapa sur la table.
    – Les religieux sont censés aimer les fichus
animaux, non ? Il a un cimetière et il peut l’y installer. Rien dans le
testament ne précise que je ne peux en faire don.
    Il plissa les paupières.
    – Je pourrais même te l’offrir !
    – Sir John, avec une femme et deux enfants dans
un misérable logement de Pig’s Barrow Lane ?
    – Alors le frère devra le prendre, déclara le
magistrat, ravi, en se caressant l’estomac.
    – N’oubliez pas, Sir John, précisa Simon d’une
voix sonore, qu’Athelstan est un dominicain. C’est saint François et son ordre
qui ont la réputation de se soucier des animaux.
    – C’est du pareil au même en ce qui me concerne, maugréa
Cranston. Bon !
    Quittant sa chaire, il boucla son ceinturon dans
lequel il glissa épée et poignard. Au moment où il jetait sa chape sur ses
épaules, il sentit qu’on lui mordillait la jambe et lança un coup d’œil furieux
au bouc irrespectueux.
    – Tu portes sacrément bien ton nom ! gronda-t-il.
    – Oh, Sir John, voyez comme il vous aime !
    Judas, à présent, donnait de petits coups de tête dans
la cuisse, aussi épaisse qu’un tronc d’arbre, de son nouveau maître.
    – Va chercher un bout de corde, ordonna Cranston,
et passe-le autour du cou de ce maudit animal ! Il ira à Southwark
rejoindre les autres !
    Simon, qui s’était promis en secret de contempler Sir
John déambulant dans Cheapside, se hâta d’obtempérer. Il trouva un morceau de
chanvre souple qu’il attacha avec dextérité au col de Judas. Sir John s’empara
de l’autre extrémité, jeta un regard torve à son scribe puis s’arrêta en
entendant un fracas dans l’escalier. Un jeune homme, vêtu d’un justaucorps de
cuir arborant les couleurs de Jean de Gand, fit irruption dans la pièce. À en
juger par sa ceinture, le visiteur était chevalier. Sa chemise était ouverte à
l’encolure et son collier d’argent était frappé d’un double « S », emblème
de la maison de Lancastre.
    – Que voulez-vous ? aboya Cranston.
    – Je suis Sir Maurice Maltravers.
    Sir John aperçut le parchemin qu’il tenait.
    – Félicitations ! Êtes-vous au service de
monseigneur de Gand ?
    – J’appartiens à sa maisnie, Sir John.
    – Que Dieu ait pitié de vous !
    Le magistrat tira sur la corde.
    – Ne vous étonnez point, mon jeune ami. Bien des
choses échouent au tribunal d’un coroner !
    – Je suis porteur d’un message, Sir John. Monseigneur
de Gand veut vous voir d’urgence, vous et frère Athelstan, en son palais de
Savoy.
    Cranston examina le jouvenceau des pieds à la tête.
    – Maltravers ?
    – Oui, Sir John.
    Le magistrat se mordilla les lèvres.
    – Oh, au fait, Simon, dit-il en s’humectant les
doigts, donne-la-moi.
    Le scribe obéit sur-le-champ. Son maître fixa la
gourde à la boucle de son ceinturon puis tapota la poitrine de Sir Maurice.
    – Je connaissais votre père. Oui, soupira-t-il, même
teinte de cheveux, même visage aux traits fermes, mais ses yeux

Weitere Kostenlose Bücher