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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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protubérantes :
les tailles minces s’ornaient de ceinturons brochés qui supportaient épées et
poignards. Les chevelures étaient soignées et crespelées. Le coroner détourna
les yeux, dégoûté. Il aurait parié que certains de ces hommes s’étaient même
maquillés.
    – Beaux fainéants ! grommela-t-il. Pas
étonnant que les Français en fassent à leur guise.
    Tout le monde semblait s’être rassemblé dans Cheapside :
les marchands aux coûteuses tuniques, leurs femmes en robes de samit et
couvre-chefs surchargés de légers voiles qui menaçaient de s’accrocher dans les
enseignes suspendues au-dessus des boutiques, derrière les étals. Les apprentis
couraient de droite à gauche en quête de pratiques. Un fermier tentait de
guider deux bœufs vers les abattoirs de Newgate à travers la cohue. Devant la
taverne des Cosses de pois, des hommes lançaient des paris sur un combat
entre un blaireau et un chien. Sur le parvis de St Mary-le-Bow, de jeunes
mendiants faisaient danser un ours aveugle au son nasillard de leurs pipeaux. Des
larrons, venus des prisons de Marshalsea et de la Fleet, enchaînés les uns aux
autres, se dirigeaient vers les tribunaux dans un grand cliquetis de fer ;
les huissiers maintenaient l’ordre à l’aide de leur verge de saule blanc. Portes
et fenêtres étaient grandes ouvertes ; on criait et on interpellait les
passants. Une charrette chargée d’ordures s’était renversée, répandant son
contenu nauséabond sur le sol. Quelques détritus avaient atterri sur un étalage
de fruits et les baillis s’efforçaient d’empêcher une bagarre entre le
propriétaire et le ramasseur de déchets. Le silence se fit quand passa un
convoi funéraire. Le corps gisait sur une civière couverte d’un drap que
portaient quatre frères marmonnant les prières des morts : un enfant de
chœur, tenant une chandelle et agitant une clochette, courait devant eux.
    Sir John gardait la tête baissée tout en tirant Judas
qui, en fait, ne se faisait pas prier et trottait, aussi obéissant qu’un chien
bien dressé. Une bande de catins, crâne rasé comme un œuf de pigeon, perruque
bigarrée au poing, surgit d’une ruelle. Avisant le coroner, elles lui
emboîtèrent le pas en improvisant une chanson grivoise sur le magistrat et son
bouc. Elles se turent quand il fit volte-face, menaçant. L’une d’entre elles se
retourna et souleva son jupon sale et déchiré. Elles s’éparpillèrent en riant
et en plaisantant. Quelques petits mendiants, alors, entrèrent dans le jeu. Sir
John soupira : avant ce soir, Lady Maude aurait eu vent de ses actes et il
lui faudrait s’expliquer.
    – Oh, Sir John, Sir John !
    Il gémit et s’arrêta. Leif, le mendiant roux et
unijambiste, s’approcha en sautillant, agile comme un grillon. Sir John n’avait
jamais rencontré de compère plus fâcheux mais un seul coup d’œil à la mine épouvantée
du pauvre Leif suffit à lui adoucir le cœur. Ce dernier aurait su par ses
cajoleries tirer un penny d’un avaricieux.
    – Sir John, m’avez-vous entendu ?
    Le magistrat profita de l’occasion pour chasser d’un
geste les galopins qui détalèrent.
    – Oh, Sir John, quel beau bouc ! Le
conduisez-vous chez vous ?
    Le coroner lui répondit par un regard glacé.
    – Vous m’avez ouï, Sir John, bafouilla Leif, comprenant
qu’il valait mieux ignorer l’étrange compagnon du coroner.
    – Au nom du ciel, Leif, que veux-tu dire ?
    – J’ai décidé de devenir chanteur, Sir John. Trouvère.
    Et, sans attendre qu’on l’en prie, Leif leva la tête, main
sur la poitrine.
    – Ma bien-aimée, roucoula-t-il, est fraîche et
douce comme une fleur.
    – Merci, Leif, brailla le coroner.
    – J’ai chanté hier soir, Sir John, devant votre
chambre.
    – J’ai cm que des chats se battaient !
    Le gueux lui jeta un regard navré. Le magistrat, avec
un profond soupir, fouilla dans son escarcelle et lança une piécette dans la
main du vagabond.
    – Tiens, Leif, voici un penny.
    – Oh, mille grâces, Sir John. Est-ce pour mes
chansons ?
    – Non, Leif. D’abord, tu ne dois pas chanter sous
ma fenêtre. Tu ferais peur aux marmousets. Ensuite, tu ne dois point me suivre
à L’Agneau de Dieu. Et enfin, tu ne dois pas dire à Lady Maude que j’y
suis allé.
    – Très bien, Sir John.
    Il s’éloigna en sautillant et en chantant à tue-tête.
    – Viens, Judas, pressa le magistrat. Une tourte à
la viande et un pichet de bière

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