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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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barque de Moleskin. Le coroner lui avait rappelé que le
ressentiment populaire contre Jean de Gand ne cessait de croître, surtout dans
les comtés et autour de la ville : on attaquait en particulier ses
collecteurs d’impôts et on s’opposait à leurs exigences. Des protestations s’étaient
même élevées à la Chambre des communes. Les membres de cette dernière avaient
demandé une réforme du gouvernement et une enquête approfondie sur la guerre
contre la France qui, grâce à l’intervention de la papauté, avait abouti à une
trêve récente.
    – Les temps sont durs, frère Athelstan, avait
commenté le coroner en hochant la tête et en regardant, de l’autre côté du
fleuve, les galères vénitiennes de haut bord richement ornées, les cogghes de
guerre anglaises et les grands vaisseaux marchands ventrus de Lübeck, autour
desquels pullulaient esquifs, barques, barges et bateaux de pêche. Tout cela
pourrait bien toucher à sa fin, avait-il déclaré, lugubre.
    – Que voulez-vous dire ? s’était enquis le
dominicain en souhaitant que son ami baisse la voix.
    Moleskin, bien qu’il fût penché sur ses avirons, prêtait
toujours une oreille attentive aux conversations de ses clients.
    Cranston avait avalé une rasade à sa gourde.
    – Londres n’est plus protégé. Certes, nous
possédons une garnison à la Tour et Gand et les puissants ont bien des gardes
mais, si les rebelles descendaient au sud, ils pourraient prendre la ville en
un jour.
    – Les rebelles ? s’était étonné Athelstan.
    – Des paysans – la Grande Communauté du Royaume. Ce
sont des traîtres, avait soupiré Sir John, mais un grand nombre de leurs
plaintes sont justes. Ils sont taxés au-delà du supportable et liés à la glèbe.
Leurs redevances sont fixes et leurs gains misérables. S’ils se trouvent un
chef, alors que Dieu nous aide !
    Il avait donné un petit coup de coude à son secrétaire.
    – Et si vous lisez mon traité sur le bon
gouvernement de la ville, vous verrez que Southwark est notre point le plus
faible. Le nord est défendu par des murailles mais, une fois qu’ils auront
déferlé dans Southwark et se seront emparés du Pont, Londres sera à leur merci !
    Athelstan comprenait l’inquiétude du coroner. Il n’ignorait
pas que quelques-uns de ses paroissiens, Pike par exemple, faisaient partie de
la Grande Communauté du Royaume et, bien qu’il ne l’ait jamais formulé, le
dominicain était certain que Sir John était le seul officier royal qui pouvait
se promener sans arme dans les ruelles de Southwark. Le magistrat était réputé
honnête et son amitié avec le prêtre de la paroisse de St Erconwald lui offrait
aussi une protection.
    – Sir John Cranston ?
Frère Athelstan ?
    Ce dernier s’efforça de sortir de sa rêverie.
    Le jeune chevalier qui se tenait dans l’escalier n’était
pas l’un des damerets de la maison de Gand. Athelstan reconnut un guerrier à
ses habits grossiers et ternes et au ceinturon à boucle qui lui enserrait la taille.
    – Dieu me bénisse ! Si ce n’est pas Sir
Maurice !
    Le magistrat fit les présentations. Athelstan serra la
main du jeune chevalier dont les traits fermes et les yeux francs lui plurent
au premier abord. Un vrai soldat, pensa-t-il, direct en discours et en actes. Tout
en montant les marches derrière Sir Maurice, il méditait sur la personnalité si
complexe de Jean de Gand. Courtisan doucereux, homme né pour l’intrigue, Gand
était néanmoins le fils d’Edouard III et savait, par sa force et son courage, attirer
autour de lui aussi bien les combattants que les jeunes élégants et les bons à
rien. Ces derniers ne cessaient de se soucier de leur toilette, de s’inonder de
parfums, de crespeler leur chevelure et de s’habiller avec plus de méticulosité
que les courtisanes de haut vol. Athelstan les avait vus avec leurs poulaines
adomées et leurs coiffures extravagantes et avait remarqué leur façon de
zézayer. Il essayait de ne pas les juger mais, souvent, il tombait d’accord, en
secret, avec Cranston pour admettre que les guerriers d’Angleterre n’étaient
que palefrois châtrés, tout en apparence, et manquaient de courage aussi bien
que d’ardeur.
    Sir Maurice les conduisit dans la chambre du régent. La
pièce était étroite ; les bannières du Léon, de Castille, de France et d’Angleterre
ornaient le plâtre blanc au-dessus des lambris. Gand était assis derrière une
large table noire. Il

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