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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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roula sur le dos, le
corps agité de spasmes de douleur. Qui lui avait remis la nourriture qu’il
avait emportée ? Il essaya de réfléchir, alors même que son esprit
plongeait par intermittence dans l’inconscience. Il avait mangé et bu la même
chose que les autres, sauf, bien sûr, les provisions qu’il avait prises !
    Il se creusa la cervelle. Il n’avait rien absorbé de spécial, n’est-ce pas ?
Rien dont quelqu’un d’autre n’aurait goûté. Il voulut s’humecter les lèvres. Il
avait tiré l’eau au tonneau près de la grand-salle, mais le pain ? Gresnay
ne lui avait-il pas glissé un morceau du sien ? Le corps de Routier s’arqua
sous la souffrance. Il entendait les oiseaux chanter plus fort à présent et le
rugissement semblait plus proche. Il tenta de murmurer une prière, fixant le
ciel bleu à travers la ramure, mais ne trouva pas ses mots. Il ne pouvait
penser qu’à Gresnay, à sa figure de fille grimaçant ce drôle de sourire… il lui
avait offert du pain, et lui, comme un sot, l’avait accepté !

CHAPITRE XI
             Sir John
Cranston lança un coup d’œil à Sir Maurice Maltravers assis à côté d’Athelstan
à L’Arbre de Jérusalem et partit d’un rire tonitruant. Il ôta son
chapeau de castor et le fit claquer sur sa cuisse avec tant d’énergie que
colporteurs et étameurs qui proposaient leurs produits sur la berge se
demandèrent s’il n’avait pas perdu l’esprit. Athelstan hocha la tête en
feignant la réprobation.
    – Sir John, souffla-t-il, nous sommes censés agir
avec discrétion !
    – Je vous le promets, mon frère. Mais croyez-vous
pouvoir tromper l’œil de faucon de Lady Monica ? Je le croirai quand je le
verrai ! Et qui êtes-vous, d’ailleurs ? gaba-t-il en s’emparant de la
chope commandée par son secrétaire pour boire une longue rasade.
    – Le frère Norbert de l’ordre de saint Dominique,
répondit d’une voix douce Sir Maurice en arborant ce qu’il estima être un air
de piété.
    – Oh, pour l’amour de Dieu ! On vous croira
plutôt échappé de Bedlam 1 si vous regardez Lady Monica ainsi ! Je
suggère, mon frère, qu’Athelstan parle à la supérieure et que vous gardiez
bouche close jusqu’à ce que nous rencontrions Lady Angelica.
    Ils montèrent le raidillon tortueux qui menait au
couvent blotti derrière ses murs gris dominant la Tamise. Le portier leur fit
franchir le poste de garde et traverser des jardins agrémentés de simples, de
douces pelouses, de massifs de fleurs, de tonnelles et de banquettes d’herbe. L’air
embaumait le lourd parfum des fleurs. Sir John s’arrêta pour admirer une
superbe rose qui retombait sur l’allée.
    – Les dames de Syon n’ont point fait vœu de
pauvreté, remarqua le dominicain.
    – Non, non, mon frère, c’est ici que les dames de
la Cour qui désirent se retirer loin des vanités du monde peuvent se reposer, réfléchir,
méditer et prier.
    La pierre du monastère était couleur de miel. Ils
passèrent devant un bijou de chapelle, sous de frais portiques ombragés qui
sinuaient le long des cloîtres silencieux, et pénétrèrent dans le bâtiment
principal. Des jardinières et des pots de fleurs bordaient le sol dallé. Les
murs étaient revêtus de tapisseries aux couleurs vives représentant des scènes
de la Bible ou de ravissants motifs, comme une rose ardente sous une couronne d’or.
Ils croisèrent quelques nonnes qui, assises dans un coin ou dans des chaires, lisaient
leur livre d’heures ou devisaient à voix basse. Le portier, un petit homme
noueux, tourna à un angle et frappa à une porte cloutée de fer. Athelstan
murmura une courte oraison. Cranston avala une rapide gorgée de sa gourde et
ils s’avancèrent d’un pas ferme vers Lady Monica.
    Le dominicain la trouva fort impressionnante. Elle
était grande, élégante et plus majestueuse qu’une reine. Elle portait un habit
blanc comme neige et une guimpe au bord crème qui encadrait son visage
impérieux aux yeux gris perçants, au nez mince, aux dédaigneuses lèvres pincées.
Elle tendit une main chargée de bagues. Sir John mit un genou à terre pour
baiser les longs doigts d’ivoire. Athelstan et Sir Maurice s’inclinèrent ;
le premier esquissa une brève bénédiction. Lady Monica s’installa derrière sa
table de travail pendant que le portier, grommelant entre ses dents, approchait
trois chaires. La supérieure fit un signe de tête et les nouveaux venus prirent
place.

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