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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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d’occire Routier et quelqu’un d’autre. Peut-être
a-t-il laissé une douceur ? Un morceau de fromage ou de pain enduit d’une
substance toxique ? Maître Aspinall, les chambres des prisonniers
sont-elles fermées à clé ?
    – D’après ce que j’ai cru comprendre, elles le
sont la nuit, mais pas dans la journée. Ils peuvent prendre l’air matin et soir
mais, la plupart du temps, on les garde ici, dans le château. Ils devisent, dorment
ou jouent.
    – Lucy aurait donc pu pénétrer dans l’une de ces
chambres ? observa Sir John.
    – Oui, en effet.
    – Par conséquent, conclut Athelstan, les captifs
m’ont menti. Ils ont prétendu qu’ils avaient fouillé leurs galetas mutuellement
pour écarter toute suspicion mais n’avaient rien trouvé. Et voilà une simple d’esprit
qui non seulement découvre la drogue mais aussi l’avale.
    Cranston prit une rasade à sa gourde et jeta un coup d’œil
en haut de l’escalier.
    – Ce pourrait malgré tout être un meurtre, dit-il
par-dessus son épaule. Limbright hait les Français et ces derniers le haïssent.
Le trépas de sa fille pourrait être une terrible vengeance. Maître Aspinall, estimez-vous
que l’un des captifs serait capable de cette vilenie ?
    Le médecin fit un geste de dénégation.
    – Mon impression est que ce sont des soldats, des
combattants. En pleine bataille, ils peuvent piller et brûler, mais occire
exprès une malheureuse niaise ?
    Il eut une moue sceptique.
    – Non.
    Athelstan se leva.
    – Lucy gisait dans sa chambre et la porte en
était ouverte, c’est bien cela ?
    – C’est ce que m’a dit le garde, répondit
Aspinall. La porte était ouverte et elle était étendue sur la jonchée.
    – Combien de temps au maximum faut-il à un poison
pour agir ? s’enquit le prêtre.
    – D’après mes études, expliqua le mire avec un
haussement d’épaules, sans doute pas plus d’une heure. Pourtant, si je suis
votre raisonnement, il serait presque impossible de savoir où Lucy s’est rendue.
Elle errait dans ce château tel un fantôme.
    – Il serait donc vain d’enquêter sur sa mort ?
    – En effet. Elle avait peur et des Français et
des sentinelles. Elle n’aurait rien accepté d’eux et Dieu seul sait où elle se
trouvait dans les moments qui ont précédé son trépas.
    Athelstan détourna le regard. Lucy avait sans nul
doute pris le poison – ou il lui avait été donné – pendant le désordre causé
par la fuite de Routier. Aspinall avait raison : Dieu seul savait où elle
avait vagabondé, mais, se dit le dominicain, aurait-elle agréé quelque chose
offert par le médecin ?
    – Frère Athelstan, Sir John, admettons, pour le
besoin de la discussion, que le tueur soit l’un des captifs, intervint Sir
Maurice, bras croisés, en tapant le dallage de sa botte. C’est difficile à
croire, je l’admets, pourtant…
    – Je sais ce que vous allez dire, l’interrompit
le coroner. La logique veut qu’il y ait deux morts en plus et que celui qui
restera vivant soit l’assassin.
    – Ce n’est pas obligé, contra Athelstan. Dieu
sait ce que Fontanel fera. Il peut avoir les rançons à sa disposition et
emmener ses compatriotes hors d’Hawkmere. Pour ce que nous en savons, la mort
de Routier pourrait être la dernière. Avant de partir, nous devrions fouiller
le château de fond en comble, et cela inclut les chambres des captifs. Maître
Aspinall, si vous vouliez bien veiller sur Sir Walter, mes compagnons et moi
commencerions nos recherches. Les gardes ne peuvent s’y opposer. Je suppose que
Fontanel est parti ?
    – Oui, répondit le magistrat. Il est sorti de la
grand-salle et a quitté le manoir sur-le-champ.
    Athelstan se frotta le bout du nez.
    – Commençons donc par le jardin.
    Dans le galetas qui lui servait à la fois de chambre
et de cellule, Eudes Maneil fit glisser le verrou qui fermait la porte et s’assit
à la petite table placée sous la meurtrière. Il contempla le ciel bleu dans
lequel un oiseau tournoyait et éprouva un douloureux pincement d’envie. C’était
le même ciel, le même soleil qu’en France. Il ferma à demi les paupières. Les
marchés de Paris devaient battre leur plein à présent. Tavernes et rôtisseries
étaient sans doute bondées et les rues étroites ressemblaient à des fleuves de
couleur, encombrées de marchands, de leurs épouses, d’étudiants de la Sorbonne,
de clercs et de scribes. Comme ce serait plaisant de flâner dans ces

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