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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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L’abbé Boussart aide les miséreux, et c’est la raison pour laquelle Croquemitaine et dame Bertille lui apportent leur soutien. Il est aimé et respecté du peuple. La générosité de cet homme est sans faille, mais il doit en user avec prudence tant il est de bon ton en ce siècle de ne s’inquiéter que des grands, de sorte qu’il se cache de tous pour aider son prochain. Je suis prête à parier qu’il est seul à connaître votre existence et votre séjour à Nostre-Dame. Il est important que vous le sachiez, même si, je vous l’ai dit, cela ne doit pas vous inquiéter. Nous sommes à vos côtés, Isabelle, et nous y sommes sincères. Allez, à présent. Je vous attends dès demain.
    Isabeau la remercia et prit congé. Les dernières paroles de Rudégonde l’avaient rassurée. Tout cela n’avait pas davantage d’importance que le reste. Elle devrait seulement aiguiser son esprit à ces jeux politiques si elle voulait, à l’exemple de la lingère, évoluer dans ce monde qui n’était pas le sien. Ce monde qui l’avait écrasée et qu’elle devrait apprendre à dominer pour ne plus jamais en subir le courroux.
    Le lendemain, soit ce 3 novembre 1515, trois semaines après son départ de Thiers, elle entamait le premier jour de sa nouvelle existence, l’âme légère et le cœur apaisé.
     
    Philippus hâtait le pas de son âne, de plus en plus récalcitrant à quitter l’écurie, de même que son valet à quitter l’auberge. Ces trois bourriques, ainsi qu’il les nommait affectueusement en incluant le mulet sur lequel était juché Corichon, semblaient penser qu’il avait perdu la raison et ferait bien mieux de demander le gîte pour l’hiver à quelque monastère.
    Il avait failli s’y résoudre la veille, mais il avait finalement décidé de braver la tempête qui cinglait l’Auvergne. Quelque chose l’attirait vers Thiers. La certitude que, comme à Saint-Rémy-de-Provence, on l’attendait là-bas.
    Avant la nuit il serait à son but, même s’il ignorait encore lequel. Il demanderait asile au seigneur du lieu, puis au matin se mettrait en quête du coustelleur indiqué à l’intérieur du coffret détenu par Michel de Nostre-Dame. Lorsqu’il aurait satisfaction, il aviserait.
    Pour l’heure, ils croisaient peu de pèlerins sur le chemin de Compostelle qui montait vers le pays thiernois. Et quand bien même il se serait trouvé quelque autre fou sur la route, il n’aurait pu distinguer sa bannière tant la neige tombait. A certains endroits leurs montures s’en trouvaient cerclées jusqu’à mi-jambe et leurs chausses raclaient la poudreuse. Lorsque les bêtes refusaient d’avancer, ils étaient obligés de descendre et de les tirer de l’avant. Ils étaient trempés jusqu’aux os. La seule crainte de Philippus était de s’écarter de la voie qui se fondait dans le paysage blanchi. Il devait sans cesse tâtonner du bâton sur le bas-côté pour trouver les repères qui jalonnaient le chemin. Ici fréquemment c’étaient des tumulus de pierres, parfois de petits murets ou une pancarte annonçant une direction. Il grattait alors de ses doigts gelés sous ses mitaines de laine pour dégager la neige et lire ce qu’il pouvait.
    Ils progressaient ainsi depuis trois journées et cela semblait ne pas vouloir finir. Quand ils traversaient les forêts – de plus en plus souvent – Corichon se collait à lui en geignant, mais Philippus n’y prêtait pas garde. Les conditions climatiques éloignaient d’eux les loups comme les brigands. Il fallait être fou pour s’obstiner.
    Lorsque la soirée fonça encore les contours des nuages bas, il comprit qu’ils devraient poursuivre à l’aveuglette jusqu’à trouver une halte. Les montagnes les cernaient. Philippus courba l’échine et allongea le pas. Il ne sentait plus ni ses pieds ni ses mains. S’ils ne trouvaient pas un gîte, avant le matin ils seraient morts de froid. D’ailleurs il entendait claquer les dents de son malheureux compagnon, et leurs montures, qu’ils avaient finalement délaissées, souffler bruyamment et rapidement par les naseaux, apeurées.
    « Cette fois, c’est décidé, rugit une voix dans sa tête, si le Seigneur met asile sur ton chemin, petite tête, tu y resteras jusqu’à clémence ! »
    C’est alors que son valet posa la main sur son bras avant de tendre un doigt tremblant vers une trouée dans les nuages. Philippus scruta l’horizon en secouant la tête. Il était impossible de

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