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La chance du diable

La chance du diable

Titel: La chance du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Kershaw
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nazi, qui à cette date, comptait plus de huit millions d’adhérents) ils représentaient, mais il s’agissait très certainement d’une minorité, même si c’était encore elle qui dominait la situation et qu’elle disposât d’une formidable capacité de répression.
    Dans les semaines qui suivirent l’attentat de la « Tanière du Loup   », il se trouva même quelques antennes de police provinciales pour donner des indicateurs brutaux de l’effondrement de la popularité de Hitler. Daté du 8 août, un rapport accablant des services de police à Stuttgart commençait en affirmant que, pour l’écrasante majorité des Allemands, la question n’était pas de savoir si le pays gagnerait la guerre, mais uniquement s’ils seraient dirigés par les Anglo-américains ou par les Russes. En dehors d’un petit contingent de militants du parti et d’une infime section de la population, personne ne croyait au miracle. Dans le discours que Hitler prononça la nuit de l’attentat, les gens lisaient exactement le contraire de ce qu’il affirmait. Pour eux, il était maintenant évident que Goring, Gœbbels et les autres dirigeants du régime leur avaient menti en prétendant que le temps était du côté de l’Allemagne, que la production d’armements augmentait et que le jour approchait d’une reprise de l’offensive avec de nouvelles armes décisives. Et voici que le Führer lui-même venait leur dire que cela faisait des années que l’on sabotait son travail. Autrement dit, les gens disaient   : « Le Führer reconnaît que, jusqu’ici, le temps n’était pas de notre côté, mais jouait contre nous. Si un homme comme le Führer a été ainsi trompé de bout en bout, poursuivait le résumé de l’opinion dominante, c’est soit qu’il n’est pas le génie qu’on nous a dépeint, soit que, sachant que des saboteurs s’activaient, il a délibérément menti au peuple allemand, ce qui serait tout aussi mal, car, avec de tels ennemis de l’intérieur, jamais la production de guerre n’aurait pu être augmentée, et jamais nous ne pourrions remporter la victoire.   » La conséquence de ces réflexions était explicitement formulée   : « L’aspect le plus inquiétant de toute cette affaire est que la plupart des camarades du peuple, même ceux dont la confiance était jusqu’à maintenant inébranlable, ont perdu toute foi dans le Führer.   »
    Au fil de l’automne, après que Hitler fut pour une dernière fois repassé au centre de l’attention, sa présence s’estompa à nouveau de la conscience quotidienne de la plupart des gens et l’hostilité de la population à son encontre se durcit. Le 6 novembre, le même rapport de police de Stuttgart signalait une opinion qu’on entendait fréquemment, suggérait-il, sous des formes diverses   : « On a toujours prétendu que le Führer nous a été envoyé par Dieu. Je n’en doute pas. Le Führer nous a bien été envoyé par Dieu, mais pas pour sauver l’Allemagne, pour la ruiner. La Providence a décidé la destruction du peuple allemand, et Hitler est l’exécuteur de cette volonté.   »
    Parfois, il ne restait que des croyances irrationnelles. Fin août, début septembre 1944, une adolescente qui se confiait à son journal intime voyait l’effort de guerre allemand essuyer coup sur coup   : l’attentat contre le Führer, la progression des Alliés, le recul constant des troupes allemandes sur le front est, les bombardements incessants et l’effondrement des partenaires du Reich. « D’un côté, il y a la victoire, qui devient toujours plus douteuse, et de l’autre le bolchevisme, écrivit-elle. Mais alors   : sacrifier tout, absolument tout, pour la victoire, plutôt que le bolchevisme. Si cela arrivait, on n’aurait plus à penser. Qu’irais-je faire encore à l’école si je dois finir en Sibérie   ? À quoi cela servirait-il   ? A quoi   ? Toutes sortes de questions de cette nature viennent à l’esprit. Mais si nous avions tous pensé ainsi, il ne resterait plus aucun espoir. Donc, tête haute. Faisons confiance à notre volonté et à nos dirigeants   ! ! !   »
    Comme le suggère ce passage, la peur du bolchevisme était devenue l’un des principaux ferments de cohésion et facteurs de soutien de l’effort de guerre allemand et de lutte contre l’effondrement du moral sur la scène intérieure. Malgré tout, alors que les nouvelles de défaites, de destructions et de désertion des Alliés se

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