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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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classe. Yvette la parfaite, comme il surnommait sasœur,
     devait être prête. Il se dépêcha de s’habiller et dévala les escaliers rejoindre
     les autres. Sa mère l’attendait à la cuisine, un bol de gruau tiédi sur la
     table. Yvette mangeait déjà, le visage fermé et boudeur. Jean-Baptiste dormait
     dans son berceau. Mathieu semblait encore dans la lune et Laura se faisait prier
     de prendre une cuillerée par Marie-Ange. Comme d’habitude, son père était déjà
     parti travailler sur la ferme.
    — Une bouchée pour matante May, disait sa tante en ouvrant la bouche toute
     grande.
    Laura trempa à peine les lèvres dans le gruau.
    — Z’aime pas ça.
    Marie-Ange s’impatienta. Elle laissa retomber la cuillère sur la table. Laura
     recommençait ses sempiternelles jérémiades comme à tous les repas.
    — Que c’est que ça peut faire que t’aimes pas ça, du gruau, tu manges pour
     grandir, Laura Rousseau, pas pour le plaisir ! Tu vas rester chicotte toute ta
     vie !
    — Pierre pis Yvette, je vous ai préparé un bon dîner, dit Julianna. Je l’ai mis
     dans ce gros sac de coton, oubliez-le pas !
    — Comment a s’appelle déjà notre maîtresse d’école, maman ? demanda Yvette
     tandis que Pierre prenait place à la table.
    — Mademoiselle Potvin, répondit-elle.
    Julianna alla prendre le peigne au-dessus du poêle et mit un peu d’eau dans un
     bol. Elle s’approcha de son fils et, trempant le peigne, elle entreprit de
     lisser la tignasse rouge.
    — Delphis dit qu’elle est laide comme un pou pis qu’elle a toujours un air de
     bœuf, fit remarquer Pierre tout en attaquant son déjeuner.
    — Allons Pierre, chus certaine que mademoiselle Potvin est ben gentille, le
     reprit sa mère. Tu n’auras qu’à être poli pis sage.
    — J’ai pus faim, maman, dit tout à coup Yvette en repoussant son bol qu’elle
     n’avait presque pas touché.
    Une boule de nervosité l’étreignait et l’empêchait d’avaler
     quoi que ce soit. Yvette détestait l’inconnu. Elle aimait contrôler son univers
     et, pour ce faire, il lui fallait en connaître les paramètres. Commencer sa
     première année d’école lui semblait une épreuve insurmontable. Ces derniers
     jours, Delphis n’avait cessé de leur décrire leur future enseignante comme une
     sorte de sorcière. Quand elles avaient joué ensemble, la veille, Sophie et elle
     en avaient longuement parlé. Assises près de la mare aux grenouilles, les deux
     cousines s’étaient tenues par la main et s’étaient juré d’être braves et de ne
     pas pleurer. Mais ce matin, ce courage lui manquait. Pierre se leva de sa
     chaise.
    — Moé itou, j’ai pus faim.
    — Vous partirez pas le ventre vide ! s’écria leur mère.
    — J’veux pas y aller de toute façon, déclara Yvette, tout à coup, un air buté
     sur le visage.
    Marie-Ange leva les yeux au ciel.
    — Ah non, tu vas pas nous recommencer tes saintes lamentations !
    — J’veux pas aller à l’école, un point c’est tout ! s’écria Yvette en se levant
     de sa chaise et en tapant du pied.
    Si François-Xavier n’avait pas été à l’étable de monsieur Dallaire en train de
     s’activer aux corvées, il aurait certainement fait remarquer à quel point Yvette
     ressemblait à sa mère. Le même petit nez en l’air, les yeux lançant des éclairs.
     Julianna se reconnut dans cette version miniature d’elle. Elle sourit.
    — Allons Yvette, depuis quand t’as peur de quelque chose ?
    — J’ai pas peur. J’ai juste pas envie…
    — Ah bon !
    Pierre, fort de son expérience de ses deux premières années d’école à Montréal,
     essaya de la rassurer. C’était très agréable, l’école. Il y avait plein de beaux
     livres, des belles images et la maîtresse vous faisait faire plein de beaux
     projets. À son école de Montréal, il avait vu une collection de papillons rares,
     épinglés dans un cadre de vitre.Il y en avait un si beau, d’un
     bleu royal, il ne se souvenait plus de son nom.
    — Ben moé, chus sûre que j’aime pas ça, l’école, dit Yvette.
    Marie-Ange s’impatienta.
    — Yvette, tu changes de face pis tu vas à l’école un point c’est toute ! On a
     le lavage qui nous attend pis y a apparence de pluie.
    La tante poussa littéralement les deux enfants dehors.
    — Attendez, s’écria Julianna, votre bouche est sale !
    Elle mouilla de salive le coin de son tablier.
    — Voilà, fit-elle après avoir

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