La chasse infernale
Il les a simplement recopiés et transcrits pour son propre usage.
— Est-ce Appleston qui a fait cela ?
— Je l’ignore. Mais nous pouvons établir depuis combien de temps Appleston a ce livre. Nous devons regarder dans la bibliothèque sur le registre des livres empruntés.
Corbett tourna les pages du livre. Au dos des différents pamphlets était inscrit : « Ad dominum per manus P.P. »
Ranulf s’approcha et regarda par-dessus son épaule.
— Qu’est-ce que cela signifie, Messire ?
— Rien, répondit Corbett. Je suppose que ces pamphlets ont été rassemblés par des partisans royaux à Londres et envoyés à Braose. Il les a réunis et, plus tard, les a fait relier en un volume.
— Y a-t-il d’autres preuves contre Appleston ?
— Je ne sais pas. Ranulf, descends à la bibliothèque et demande à consulter le registre. Dis-leur de ne pas nous déranger pendant ce temps.
Ranulf sortit précipitamment. Corbett reposa le livre sur la table. Appleston était-il l’assassin ? Il ferma les yeux et enfouit son visage dans ses mains. « Réfléchis, s’encouragea-t-il. Appleston est le fils bâtard de Montfort. Il hait la famille de Braose et le roi. Il décide de faire revivre le souvenir de son défunt père. Il prend un livre dans la bibliothèque du collège, endosse le nom d’emprunt de Gardien et commence à rédiger des proclamations. La nuit, il se glisse hors du collège et les affiche dans tout Oxford. Il s’amuse, tourmente le roi et jette le discrédit sur Sparrow Hall. »
Corbett enleva les mains de son visage et fixa le corps qui se raidissait sous les draps. « Ascham a dû avoir des soupçons et peut-être le livre lui a-t-il manqué. Il fait part de ses doutes et donc, un soir, Appleston sort dans le jardin et va ruminer ses griefs entre la haie d’arbustes et le mur de la bibliothèque. Il frappe aux volets. Ascham les ouvre et Appleston lui tire un carreau d’arbalète droit dans la poitrine. Mais ce mot griffonné « P ASSER ... ? » Corbett se souvint de la fenêtre de la bibliothèque et se sentit gagné par l’excitation.
— Bien sûr, dit-il à mi-voix.
Appleston était bien bâti et vigoureux. Il aurait pu grimper par là, prendre le doigt d’Ascham, le tremper dans une flaque de sang et écrire lui-même ces lettres afin de faire accuser le pauvre intendant. Après tout, c’était Appleston qui avait suggéré à Passerel de s’enfuir à l’église. Appleston était-il revenu, tard le soir, avec un pichet de vin empoisonné ? Et Langton ? Le magistrat ignorait pourquoi le maître assassiné portait une lettre du Gardien qui lui était destinée. Mais n’importe qui, dans la bibliothèque, aurait facilement pu glisser une potion dans le gobelet de vin de Langton.
Corbett se leva. Et qui les avait pris pour cible avec une fronde ? Appleston n’avait-il pas passé sa jeunesse à la campagne ? Il était peut-être fort habile dans le maniement de la fronde. Appleston avait peur que Corbett, au courant de ses liens de parenté, ne les divulgue au roi, et il avait décidé de se tuer.
Le magistrat entendit un bruit de pas et Ranulf entra.
— Eh bien ? s’enquit Corbett.
— Le livre est au nom d’Appleston. Mais écoutez, Messire, le prêt ne date que d’hier matin. Il n’y a eu que deux emprunts depuis le mien.
Corbett poussa un soupir de déception.
— Et il n’y a pas d’autres indices ?
— Non. Le livre s’intitule Litterae atque Tractatus Londoniensis, Lettres et pamphlets de la ville de Londres. J’ai examiné le registre très rapidement. Personne d’autre ne l’a réclamé.
Ranulf tendit le pouce par-dessus son épaule.
— Et Messire Tripham s’inquiète. Il veut savoir ce qu’il doit faire du corps.
— Dis-lui d’envoyer ici un serviteur, ordonna Corbett. Celui qui était attaché à Appleston.
Ranulf quitta la pièce et revint quelques instants plus tard accompagné d’un valet : un individu dégingandé au visage cadavérique et blanc comme un linge avec des mèches de cheveux roux sur son crâne chauve. Ses joues et son nez crochu étaient profondément marqués de boutons et de petites plaies. Sa lèvre inférieure tremblait et Corbett dut le faire asseoir et l’assurer qu’il n’avait rien à craindre. L’homme avala sa salive sans quitter Ranulf de ses yeux protubérants, comme s’il craignait d’être jugé et exécuté sur-le-champ.
— Je n’ai rien fait pour l’effrayer, dit
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