La chevauchée vers l'empire
et
des coups sourds se mirent à résonner quelque part devant. Süböteï était
exaspéré de ne pas voir ce qui se passait au premier rang. Douze chevaux le
séparaient du mur que ses hommes tentaient d’abattre et il ne pouvait qu’attendre
en se morfondant.
Il songea à faire dépecer les chevaux morts et à envoyer les
morceaux derrière, rejeta cette idée aussi vite qu’elle lui était venue. Il
fallait que ses hommes sortent rapidement de cette nasse de roche et équarrir
les dépouilles prendrait trop longtemps, même avec des haches.
La solution consistait peut-être à recouvrir cadavres d’hommes
et de chevaux de mantelets pour permettre aux autres de passer dessus. Procédé
macabre, mais s’ils n’avançaient pas, il ne servirait à rien d’abattre la porte
en fer.
Le bruit qu’elle fit en tombant fut entendu loin à l’arrière
et une clameur monta des guerriers. Les hommes qui se trouvaient devant Süböteï
se ruèrent à l’assaut mais poussèrent des cris lorsqu’ils furent touchés par
quelque chose qu’il ne pouvait pas voir. Un jour faible éclairait la passe et
les mantelets le réduisaient encore. Devant gisait le cheval qu’il avait vu
tomber et dont le cavalier avait été projeté contre la paroi quand l’animal s’était
effondré. Du sang coulait du nez de l’homme, pâle et immobile. Le général n’aurait
su dire s’il vivait encore et donna ses ordres sans plus attendre.
Il fit passer son mantelet et plusieurs autres pour couvrir
les deux corps. Pressé par Süböteï, le guerrier le plus proche talonna sa
monture pour la forcer à monter sur la plateforme instable. Elle branla sous le
poids et le cheval terrifié s’arrêta. Son cavalier lui battit le flanc du
fourreau de son sabre jusqu’à ce qu’il reparte, hennissant de détresse. Süböteï
suivit en s’efforçant de ne pas entendre le bruit des os qui craquaient sous
lui. Il se convainquit que l’homme gisant sous les mantelets était déjà mort.
Le cheval de Süböteï se jeta en avant en voyant devant lui
un espace libre. Le général tira désespérément sur la bride, conscient que ce
qui avait arrêté ses hommes l’arrêterait lui aussi. Il n’y avait devant lui qu’un
guerrier qui chargeait sabre au clair en poussant un cri de guerre.
Süböteï franchit les débris de la porte et fut presque
aveuglé par le soleil. Il aperçut, droit devant, un endroit où le sentier s’élargissait
et son cheval se rua dans cette direction pour échapper à l’odeur de peur et de
sang qui flottait dans la passe. D’un coup sec sur les rênes, Süböteï le fit
tourner à gauche et les flèches le frôlèrent en bourdonnant. Le guerrier qui le
précédait avait continué tout droit et des flèches se plantèrent dans sa
poitrine. Il vacilla mais son armure avait tenu bon et il sabra un archer avant
de recevoir sous le menton un autre trait tiré à bout portant.
La bouche grande ouverte pour chercher sa respiration, Süböteï
vit d’autres guerriers sortir de la passe pour le rejoindre. Ceux qui avaient
un bras ou une clavicule cassés ne pouvaient pas se servir de leur arme, mais
ils se précipitaient sous les flèches pour laisser la voie libre derrière eux.
Les archers qui leur faisaient face portaient des robes
blanches dont l’échancrure s’ouvrait quand ils bandaient leur arc. Voyant qu’ils
portaient la marque de la sérénité, Süböteï lança son cheval sur les rangs
ennemis. Il n’y avait pas de place pour fuir ou manœuvrer. Ses guerriers
enfonceraient les lignes des archers ou mourraient par deux ou par trois en
sortant de la passe.
Les chevaux des guerriers mongols étaient fous de terreur et
leurs cavaliers n’essayèrent pas de les freiner. La monture de Süböteï heurta
un archer en train d’encocher une nouvelle flèche. Le trait passa au-dessus du
général qui abattit son sabre tandis que son cheval renversait l’archer suivant.
Un sourire cruel découvrit les dents de Süböteï quand ses hommes commencèrent à
tailler dans les lignes. Ils avaient tous la poitrine hérissée de flèches mais
leurs armures étaient solides et les archers médiocres. Malgré la peur qu’ils
inspiraient, les Assassins n’étaient pas des guerriers. Ils ne s’étaient pas
entraînés chaque jour dès qu’ils avaient su marcher. Ils n’étaient pas capables
de surmonter leur frayeur et leur souffrance pour plonger et plonger sans
relâche leur lame dans un ennemi. Les hommes du
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