La chute de l'Empire Romain
Théodoric :
« Si les Romains sont vaincus, lui écrivait-il, Attila viendra sur vous plus fort d’une première victoire, et abandonnés à votre tour par le reste de la Gaule vous serez hors d’état de résister ; si au contraire les Romains sont vainqueurs avec l’aide des autres fédérés l’honneur en appartiendra à ceux-ci et la désertion des Wisigoths ne passera plus pour calcul de prudence mais pour lâcheté. »
La réponse de Théodoric m’indigne encore :
« Les Romains, déclarait le roi wisigoth, ont attiré comme à plaisir sur eux et sur nous le malheur qui nous menace ; qu’ils en réchappent comme ils pourront… »
Aetius ne se résigna pas.
Il s’adressa au sénateur Mecilius Avitus, de noblesse à la fois celtique et romaine, qui vivait entouré d’égards, de lettrés et régnait sur la province d’Auvergne. Il avait grande influence sur les Goths. Sa fille était mariée au poète Sidoine Apollinaire, dont on assurait qu’il était le plus illustre de tout l’Occident.
Aetius flatta Avitus afin qu’il intervienne auprès de Théodoric. Et il rencontra le sénateur en pays arverne, à Avitacum.
J’ai lu la harangue qu’il adressa à Avitus.
Qui aurait pu résister à pareils éloges de la part du généralissime de l’armée de l’Empire romain d’Occident ?
« Avitus, salut du monde, commença Aetius. Ce n’est pas pour toi une gloire nouvelle de voir Aetius te supplier.
« Ce peuple barbare, ce roi Théodoric, qui demeurent à nos portes n’ont d’yeux que les tiens, n’entendent que par tes oreilles.
« Tu lui dis de rentrer dans ses cantonnements, il y rentre.
« Tu lui dis d’en sortir, il en sort.
« Fais donc qu’il en sorte aujourd’hui.
« Naguère, tu lui imposas la paix, maintenant impose-lui la guerre. »
Avitus flatté convainquit Théodoric.
Le roi prit le commandement de ses troupes en compagnie de ses deux fils, Thorismond et Théodoric II, et l’armée wisigothique rejoignit le camp d’Aetius.
« Les bataillons couverts de peau vinrent se placer à la suite des clairons romains », écrit Sidoine Apollinaire.
L’armée d’Aetius, galvanisée par la présence de ce renfort, fit à marche forcée la route afin d’atteindre Orléans.
L’évêque Agnan venait d’envoyer un messager à Aetius :
« Si tu n’arrives pas aujourd’hui même, ô mon fils, il sera trop tard. »
Le messager ne revint pas, Agnan et les assiégés se rendirent.
Les hordes d’Attila entrèrent dans la ville et commencèrent à piller.
Puis un cri, le son des trompettes romaines, Aetius et Thorismond chevauchant à la tête de la cavalerie romaine et wisigothique.
Les rues d’Orléans deviennent pour les Huns des traquenards. Les habitants les écrasent sous les pierres, les chassent et Attila sonne la retraite. On est le 23 juin 451 : Aetius n’a pas manqué à sa parole.
Quand j’ai écouté le récit de cette journée, quand j’ai vu dans les yeux des témoins qui rassemblaient leurs souvenirs non plus l’épouvante mais la fierté, j’ai mesuré que ce 23 juin 451 la civilisation romaine et chrétienne avait été sauvée de la destruction.
Mais je ne m’illusionnais pas.
L’armée d’Aetius, composée des peuples barbares fédérés, annonçait que sa victoire n’était pas une résurrection de l’Empire, mais la naissance d’un nouvel ordre du monde.
Ce n’était pas le patriotisme romain qui l’avait emporté, mais l’attachement à leurs nouveaux territoires de ces peuples fédérés, des Wisigoths aux Francs, des Armoricains aux Burgondes.
Ceux-là seraient les acteurs de l’avenir.
29.
L’avenir, moi, Priscus, en ce mois de juin de l’an 451, j’aurais voulu lui donner l’éclat du sol invictus , le soleil victorieux, invaincu comme le soleil levant.
Les courriers haletants qui sautaient de cheval à Rome ou à Arles et que je harcelais de questions rapportaient qu’Attila et son armée avaient abandonné le siège d’Orléans, disparaissant en une nuit, reprenant la route qu’ils avaient suivie pleins d’élan deux mois auparavant.
Dans leur retraite, ils avaient chevauché vers la plaine qu’on appelait la Champagne. Ils avaient traversé les champs Catalauniques.
Loup, l’évêque de Troyes, était venu au devant d’Attila, le priant d’épargner les habitants d’une cité sans défense mais aussi les paysans des campagnes environnantes.
« Soit, avait répondu Attila,
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