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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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borgne. »
    C’était la première fois qu’elle
mentionnait son infirmité et Gus marqua une hésitation avant d’avouer : « Je
me suis toujours demandé pourquoi vous ne portiez pas de bandeau. En fait, je
suis enchanté que vous ne le fassiez pas. Vous êtes une ravissante jeune femme
qui a un œil fermé, c’est tout.
    — Merci, c’est très gentil.
Dites-moi, quel genre de travail faites-vous pour le président ?
    — À part décrocher le téléphone ?
Je lis les rapports alambiqués du Département d’État, puis je dis à Wilson les
choses telles qu’elles sont en réalité.
    — Par exemple ?…
    — Nos ambassadeurs en Europe
affirment que l’offensive de la Somme n’a atteint qu’une partie de ses
objectifs et qu’il y a de lourdes pertes de part et d’autre. Il est presque
impossible de prouver que c’est faux – et cela n’apprend rien au
président. Je lui dis donc que la bataille de la Somme est une catastrophe pour
les Anglais. » Il haussa les épaules. « Enfin, c’est ce que je le lui
disais, avant. Je n’aurai peut-être plus à le faire. » Il dissimulait ses
sentiments. En réalité, l’idée que Wilson puisse perdre les élections lui était
insupportable.
    Elle hocha la tête. « En
Californie, ils recomptent les bulletins. Presque un million de personnes ont
voté et il y a à peu près cinq mille voix de différence.
    — Quand on pense que tant de
choses dépendent de la décision d’une poignée d’individus à peine instruits.
    — C’est ça, la
démocratie. »
    Gus sourit. « Un système de
gouvernement épouvantable, mais les autres sont encore pires.
    — Si Wilson l’emporte,
quelle sera sa priorité ?
    — Entre nous ?
    — Naturellement.
    — La paix en Europe,
répondit Gus sans l’ombre d’une hésitation.
    — Vraiment ?
    — Il n’a jamais beaucoup
aimé le slogan : « Il nous a préservés de la guerre. » Tout
ne dépend pas de lui. Nous risquons d’y être entraînés, bon gré, mal gré.
    — Et que peut-il
faire ?
    — Faire pression sur les
deux camps pour qu’ils trouvent un compromis.
    — Il peut y arriver ?
    — Je ne sais pas.
    — Ils ne peuvent quand même
pas continuer à se massacrer comme ils l’ont fait sur la Somme.
    — Allez savoir !… Et si
vous me donniez quelques nouvelles de Buffalo ?»
    Elle planta ses yeux dans les
siens. « Vous voulez savoir ce que devient Olga ou est-ce trop
embarrassant ? »
    Gus détourna le regard. Que
pouvait-il effectivement y avoir de plus embarrassant ? D’abord, il avait
reçu un mot d’Olga lui annonçant la rupture de leurs fiançailles. Elle s’y
excusait platement, sans lui donner la moindre explication. Refusant d’en
rester là, Gus avait réclamé de la voir en personne. Il ne comprenait pas ce
qui se passait et se demandait si quelqu’un ne faisait pas pression sur elle.
Mais le même jour, sa mère avait appris par le réseau de ses amies cancanières
qu’Olga s’apprêtait à épouser le chauffeur de son père. « Pourquoi ?»
s’était exclamé Gus au supplice. À quoi sa mère avait répondu : « Mon
cher fils, quand une fille épouse le chauffeur de la maison, il ne peut y avoir
qu’une raison. » Comme il la regardait, ahuri, sa mère avait lâché :
« Elle doit être enceinte. » De sa vie, Gus ne s’était jamais senti
aussi humilié. Un an plus tard encore, il ne pouvait songer à cette scène sans
réprimer une grimace.
    Rosa lut tout cela sur son
visage. « Je n’aurais pas dû prononcer son nom, excusez-moi. »
    Après tout, mieux valait savoir
ce que tout le monde savait déjà, se dit Gus. Il effleura la main de
Rosa : « Merci de votre franchise. Je préfère ça. En effet, je suis
curieux de d’apprendre ce que devient Olga.
    — Eh bien, ils se sont
mariés à l’église orthodoxe russe d’Idéal Street, et il y a eu une réception à l’hôtel
Stader. Six cents invités ; Josef Vialov avait loué la salle de bal et la salle à manger. On a servi du caviar à tout le monde. Ces noces ont été les
plus fastueuses des annales de Buffalo.
    — Comment est le mari ?
    — Lev Pechkov ? Beau,
charmeur et totalement indigne de confiance. Au premier coup d’œil, on voit que
c’est un voyou. Et le voilà devenu le gendre d’un des hommes les plus riches de
Buffalo.
    — Et l’enfant ?
    — C’est une petite fille,
Daria, mais ils l’appellent Daisy. Elle est née en mars. Et Lev n’est

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