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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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perplexe et affreusement malheureux, c’était un argument vivant
contre la monarchie héréditaire.
    Le kaiser promena son regard sur
l’assistance, inclina la tête pour saluer quelques favoris, dont Otto, puis s’assit
et fit signe à un militaire à barbe blanche, Henning von Holtzendorff, chef d’état-major
de la marine.
    L’amiral entreprit de lire des
extraits de son mémorandum : le nombre de sous-marins susceptibles d’être
déployés à tout moment, le tonnage de fret nécessaire aux Alliés pour assurer
leur subsistance et le temps qu’il leur faudrait pour remplacer les bâtiments
coulés. « D’après nos estimations, nous pouvons envoyer par le fond six
cent mille tonnes de fret par mois », dit-il. C’était un exploit
impressionnant, et l’amiral étayait chacune de ses affirmations par de nouveaux
chiffres ; sa précision même, sa certitude éveillèrent le scepticisme de
Walter : la guerre ne pouvait être prévisible à ce point.
    Holtzendorff désigna sur la table
un document fermé par un ruban, probablement le décret impérial sur la guerre
sous-marine à outrance. « Si Votre Majesté daigne approuver le plan qui
lui est soumis aujourd’hui, je lui garantis que les Alliés capituleront dans
cinq mois précisément. » Il s’assit.
    Le kaiser se tourna vers le
chancelier. Walter se prépara à entendre une évaluation plus réaliste de la
situation. En poste depuis sept ans, Bethmann-Hollweg comprenait parfaitement
la complexité des relations internationales, à la différence du monarque.
    La mine sombre, il évoqua l’entrée
en guerre des États-Unis et les immenses réserves de main-d’œuvre, de
fournitures et de moyens financiers dont disposait ce pays. Pour appuyer ses
propos, il évoqua l’opinion de toutes les personnalités allemandes qui
connaissaient bien les États-Unis. Mais, à la grande déception de Walter, il n’avait
pas l’air d’y croire. Sans doute était-il convaincu que le kaiser avait déjà
tranché. Cette réunion avait-elle pour but de ratifier une décision déjà prise ?
se demanda le jeune homme. L’Allemagne était-elle condamnée ?
    Le kaiser ne manifestait pas une
grande patience à l’égard de ceux qui ne partageaient pas son avis ;
pendant tout le discours du chancelier, il se tortilla sur son siège, poussa
des grognements d’agacement et fit toutes sortes de grimaces exprimant sa
désapprobation. Bethmann-Hollweg finit par perdre pied. « Si les autorités
militaires jugent la guerre sous-marine essentielle, je ne suis pas en mesure
de les contredire. D’un autre côté… »
    Il n’eut pas le temps d’exposer l’autre
membre de l’alternative. Holtzendorff avait bondi sur ses pieds. « Je vous
donne ma parole d’officier de marine qu’aucun Américain ne posera le pied sur
le continent ! »
    C’était ridicule, songea Walter.
Comme si sa parole d’officier avait quelque chose à voir dans l’affaire !
Mais cette assurance eut plus d’effet que toutes ses statistiques. Le visage du
souverain s’éclaira et plusieurs officiers hochèrent la tête d’un air
approbateur.
    Bethmann-Hollweg donna l’impression
d’abandonner la partie. Son corps s’avachit dans son siège, les muscles de son
visage se relâchèrent et ce fut d’une voix défaite qu’il déclara : « Si
le succès est assuré, nous devons suivre. »
    Le kaiser fit un geste, et
Holtzendorff lui tendit le document enrubanné.
    Non, protesta Walter en son for
intérieur, nous ne pouvons tout de même pas prendre une décision d’une telle
importance sur des bases aussi insuffisantes !
    L’empereur s’était déjà emparé d’un
stylographe et signait : « Wilhelm I.R. »
    Il reposa le stylo et quitta son
siège.
    Toutes les personnes présentes
dans la salle l’imitèrent précipitamment.
    Ce n’est pas possible ! se
dit Walter.
    Le kaiser quitta la salle. L’atmosphère
se détendit et un bourdonnement de conversations s’éleva. Effondré dans son
fauteuil, Bethmann-Hollweg marmonnait, les yeux fixés sur la table. On aurait
dit un homme foudroyé. Walter s’approcha pour l’entendre. Il répétait une
phrase en latin : Finis Germaniae –  la fin de l’Allemagne.
    Le général von Henscher rejoignit
Otto : « Si tu veux bien me suivre, nous déjeunerons en tête à tête.
Vous aussi, jeune homme. » Il les conduisit dans une salle adjacente où un
buffet froid était servi.
    Le château de Pless servant

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