La Chute Des Géants: Le Siècle
l'Esprit-Saint – ils pouvaient aussi bien improviser une
prière, annoncer un cantique, lire un passage de la Bible que prononcer un bref
sermon. Les femmes restaient silencieuses, bien sûr.
Dans les faits, la cérémonie
était tout de même un peu plus structurée. La première prière était toujours
dite par un des aînés, qui rompait ensuite le pain et tendait l'assiette à son
plus proche voisin. Chaque membre de l'assemblée, à l'exclusion des enfants, en
prenait un petit morceau et le mangeait. On faisait alors passer le vin et
chacun buvait au pichet, les femmes y trempant à peine les lèvres, tandis que
certains hommes avalaient une bonne goulée. Puis ils s'asseyaient en silence,
attendant que quelqu'un prenne la parole sous l'effet de l'inspiration.
Le jour où Billy avait demandé à
son père à quel âge il pourrait participer oralement à l'office, Da lui avait
répondu : « Il n'y a pas de règle. Nous suivons la voie que trace le
Saint-Esprit. » Billy l'avait pris au mot. Si le premier vers d'un
cantique lui venait à l'esprit, à un moment quelconque de l'heure qu'ils
passaient au temple, il y voyait un encouragement du Saint-Esprit et se levait
pour annoncer le cantique. Il avait conscience d'être bien jeune pour agir
ainsi, mais les paroissiens n'y voyaient rien à redire. L'histoire de
l'apparition de Jésus la première fois qu'il était descendu à la mine avait
fait le tour de la moitié des temples du bassin minier de Galles du Sud, et on
considérait Billy comme un garçon exceptionnel.
Ce matin-là, toutes les prières
avaient imploré Dieu d'apporter le réconfort aux affligés, et plus
particulièrement à Mrs Dai Cheval, assise là, sous son voile, à côté de
son fils aîné visiblement apeuré. Da avait demandé au Seigneur de lui accorder
la grandeur d'âme de pardonner aux propriétaires des mines la perversité qui
les avait poussés à enfreindre les lois sur l'équipement respiratoire et la
ventilation réversible. Mais Billy n'était pas satisfait. Il était trop simple
de demander seulement l'apaisement. Il voulait qu'on l'aide à comprendre
comment l'explosion trouvait place dans les desseins de Dieu.
Il n'avait encore jamais
improvisé de prière. Beaucoup d'hommes priaient en utilisant des tournures de
phrase qui sonnaient bien, ou des citations des Écritures, presque comme s'ils
prêchaient. Mais Billy pensait que Dieu ne se laissait pas impressionner aussi
facilement. Lui-même était toujours plus ému par des prières simples, qui
respiraient la sincérité.
Vers la fin du culte, des mots et
des phrases se formèrent dans son esprit, et il fut pris d'une violente envie
de les exprimer. Interprétant cette impulsion comme la volonté du Saint-Esprit,
il finit par se lever.
Les yeux fermés, il commença :
« Oh ! Dieu, nous vous avons demandé ce matin d'apporter le
réconfort à ceux qui ont perdu un mari, un père, un fils, et plus
particulièrement à notre sœur dans le Seigneur, Mrs Evans, et nous prions
pour que les affligés vous ouvrent leur cœur pour recevoir votre bénédiction. »
Ces mots, d'autres les avaient
déjà dits. Billy s'interrompit, avant de poursuivre : « Et
maintenant, Seigneur, nous vous demandons encore un don : celui de la
compréhension. Nous voulons savoir, Seigneur, pourquoi il fallait que cette
explosion ait lieu dans la mine. Puisque toutes choses sont en votre pouvoir,
pourquoi avez-vous permis que le grisou remplisse le niveau principal, et qu'il
s'enflamme ? Comment se fait-il, Seigneur, que nous soyons soumis à la
volonté d'hommes, les administrateurs de Celtic Minerais, qui, par leur
cupidité, deviennent indifférents à la vie de votre peuple ? Comment la
mort d'hommes bons et la mutilation des corps que vous avez créés servent-elles
vos desseins sacrés ? »
Il s'arrêta encore. On ne devait
pas exiger quelque chose de Dieu comme on négocierait avec la direction, aussi
ajouta-t-il : « Nous savons que la souffrance de la population
d'Aberowen s'inscrit dans votre plan éternel. » Il songea qu'il devrait
sans doute en rester là, pourtant il ne put s'empêcher d'ajouter : « Mais,
Seigneur, nous n'arrivons pas à voir comment, alors je vous en prie,
éclairez-nous. – Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ. »
L'assemblée répondit : « Amen. »
9.
Cet après-midi-là, les habitants d'Aberowen
furent invités à venir admirer les jardins de Ty Gwyn. Une importante charge
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