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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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rien cependant. Ce moment magique appartenait
     à elle et à Patrick. Elle se retint pour ne pas se mettre encore à rire, cela
     aurait été si inconvenant devant son père et il fallait vraiment qu’il ne se
     doute de rien. Déjà, l’image que lui avait retournée son miroir tout à l’heure,
     tandis que pour une des premières fois de sa vie, elle se pomponnait pour un
     homme, risquait à tout moment de la trahir.
    — Oui je… euh… Monsieur O’Connor va descendre manger avec nous à soir.
    — Ah oui ? Pis c’est pour lui que tu te mets en frais de même ?
    — Ben, j’me suis dit que c’était une grande occasion.
    — Tu trouves pas qu’on a déjà assez fait pour lui !
    — Allons, arrêtez de chicaner. Donnez-moé votre manteau, pis venez vous
     asseoir, ça va être prêt à servir, fit-elle en s’empressant dedébarrasser son père de sa veste, qu’elle pendit sur un des clous plantés en
     rangée près de l’escalier et qui servaient de crochets.
    Puis, tandis que son père s’installait en maugréant à sa place attitrée, elle
     prit son air le plus naturel et pria son invité de bien vouloir descendre.
    — Es-tu obligée de crier aussi fort, ma fille ? fit remarquer le père. Y est-tu
     sourd en plus, cet étranger ? Pis sers-moé tusuite. J’ai faim !
    Joséphine prit l’assiette de son père et, à l’aide d’un gros torchon, souleva
     le lourd couvercle du chaudron. Une odorante vapeur s’en dégagea.
    — Mmmmm, ça sent vraiment très bon icitte !
    Joséphine se retourna brusquement et faillit se brûler tant elle perdit
     contenance devant l’arrivée de son amant. Qu’il avait fière allure dans son
     linge fraîchement lavé et repassé.
    — Asseyez-vous m’sieur… bredouilla Joséphine en désignant du menton une chaise
     à la droite de son père.
    Qu’elle était nerveuse ! Son cœur battait la chamade et elle transpirait
     tellement que déjà sa robe était toute mouillée aux aisselles. Elle n’avait pas
     dû mettre assez de cette poudre que sa mère utilisait ! Fébrilement, elle prit
     la grande louche et se mit à remplir l’assiette de son père en prenant soin de
     choisir les plus beaux morceaux de viande comme il les préférait tandis que
     Patrick obéissait et prenait place à la table. Gêné, il se mit à jouer
     nerveusement avec ses ustensiles. La tension était si forte dans la pièce que le
     marin eut envie de retourner se mettre à l’abri dans sa chambre de malade. Mais
     ces jours bénis étaient maintenant chose du passé.
    Monsieur Mailloux ne lui adressa pas la parole et se mit à manger dès que sa
     fille eut déposé son plat devant lui. Comment, dans ces conditions difficiles,
     lui demander sa fille en mariage ? Il savait que le vieil homme n’avait aucune
     sympathie pour lui, d’ailleurs, c’étaitréciproque, mais de là à
     lui battre froid… Ah ! il détestait les situations compliquées ! Furtivement, il
     jeta un coup d’œil à Joséphine qui le servait à son tour.
    — Merci, dit-il en osant lui adresser un sourire qu’il essaya de faire
     rassurant.
    Ses pensées revinrent aux événements de l’après-midi, un frisson de plaisir lui
     rappela clairement la bonne entente qu’il avait eue avec cette fille. Oui, cela
     valait la peine d’affronter le vieux renard qui, de toute façon, devait être
     bien inoffensif. Il attendit que sa promise soit également assise et face au
     silence pesant qui régnait, il fut évident pour lui que rien ne servirait de
     tergiverser plus longtemps. Valait mieux en finir tout de suite. Il avait passé
     la dernière heure à se préparer mentalement et même à pratiquer à haute voix la
     formulation de sa demande. Il voulait que son français soit le plus impeccable
     possible.
    — Euh… monsieur Mailloux… commença le marin en se raclant la gorge. Moé être
     guéri maintenant…
    — J’vois ben ça, répondit sèchement celui-ci. Comme ça, on a pus d’affaire à
     vous garder icitte.
    — Non, moé guéri mais…
    — Alors, le coupa le vieil homme, on règlera ça avec monsieur l’curé
     tantôt.
    Joséphine regarda Patrick d’un air désespéré. Son père n’avait même pas daigné
     lever les yeux de son assiette et était bête comme ses deux pieds. Elle savait
     qu’il n’avait jamais été d’accord pour héberger le malade et que monsieur le
     curé lui avait forcé la main, mais Patrick ne lui avait jamais rien

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