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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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apportais justement un sac rempli de tout le nécessaire pour pourvoir à vos
     besoins personnels. Un bon chandail de laine, un peigne… commença fièrement à
     énumérer le prêtre.
    — Pour moé ? s’étonna Patrick, en remarquant le volumineux bagage.
    — Mais oui, mon brave ! Croyiez-vous qu’on allait vous laisser éternellement
     aux bons soins des Mailloux ? Je n’abandonne jamais une de mes brebis.
    — Merci, merci beaucoup, balbutia Patrick, ému par tant de gentillesse.
    — Mais je ne comprends toujours pas pourquoi monsieur Mailloux a défié mes
     directives…
    — C’est Joséphine… balbutia le marin en baissant les yeux. Elle pis moé…
     avoua-t-il, nous… nous…
    — Quoi, nous, nous…? répéta le curé, ne comprenant pas immédiatement ce que le
     jeune homme voulait dire par là…
    Mais rapidement, l’explication la plus plausible à toute cette histoire lui vint clairement à l’esprit. Et rien qu’à voir l’air coupable de ce
     jeune homme… Oh non… Jamais le père Mailloux ne lui pardonnerait… Et il serait
     en dette désormais envers lui… Il détestait perdre le contrôle d’une situation
     ainsi. Lui qui dirigeait sa paroisse de main ferme, épiant chaque faux pas,
     sachant tout ce que chacun pensait, disait, confessait. Il savait quand madame
     Tremblay refusait de faire son devoir conjugal ou quand monsieur Turcotte buvait
     un peu trop et il les remettait rapidement sur le droit chemin. Que ce jeune
     blanc-bec, là devant lui, lui ait fait perdre la face ainsi, et qu’il l’ait mis
     en position de faiblesse face à Mailloux, l’un de ses plus coriaces paroissiens,
     oh non, ce marin ne l’emporterait pas au paradis !
    — Tu as trahi ma confiance ! Vaurien ! explosa le curé.
    — Mais…
    — Il n’y a pas de mais ! C’est ainsi que tu mords la main qui te
     nourrit !
    Le curé s’emportait et gesticulait dans la rue, tout en essayant de ne pas
     élever la voix, pestant contre tous les ingrats de la terre, tous ces gens pour
     qui vous vous fendez en quatre, et qui vous poignardent dès que vous avez le dos
     tourné.
    — Profiter d’une pauvre et faible créature, pure, toute dévouée à son père et à
     son curé, une des meilleures âmes de ma paroisse ! ragea-t-il les dents serrées.
     Malgré mes avertissements ! Essaies-tu de nier ? Oserais-tu ? ajouta-t-il, comme
     Patrick tournait la tête de gauche à droite en signe de découragement.
    — Non, non, mais…
    — Tu apprendras qu’on ne peut se jouer de Dieu, le sermonna le curé. Quand je
     pense que je t’ai recueilli, soigné ! De mes propres mains, je t’ai abreuvé,
     toi, un pur étranger !
    Retrouvant tout à coup sa fierté, Patrick défia le curé :
    — C’est ça ! Moé être rien qu’un étranger ! Moé pas assez bien ! Nipour monsieur Mailloux ni pour le curé ! cria-t-il. Eh ben,
     l’Irlandais dit à vous d’aller chez le diable ! En plus, moé pas vouloir de
     votre pitié ! ajouta-t-il en envoyant valser le sac d’un coup de pied.
    O’Connor sentait bouillir une telle violence en lui qu’il serrait les poings,
     tous ses muscles bandés, et il eut peur de perdre le contrôle, une folle envie
     de frapper le tenaillant.
    Le curé recula devant cette agressivité et essaya de calmer le jeune
     homme.
    — Allons mon brave… Nous allons retrouver notre sang-froid…
    — Non ! hurla Patrick. Moé pus rien vouloir entendre ! Moé quitter ce pays,
     tout de suite ! Pour toujours !
    Et il s’enfuit en courant vers le bas de la ville.
    « Nul doute que ses pas le conduiront vers le port, se dit le curé en regardant
     s’éloigner le marin. Il va probablement se faire engager sur un bateau. Il y en
     a tellement au port en ce moment, cela ne lui posera certainement aucun
     problème. » Tous ces marins qui grouillaient en ville, cela n’était jamais de
     bon augure… Comme il regrettait les mois de froidure ! Tout se compliquait dès
     la reprise de la navigation. Cette saison s’annonçait plus difficile encore que
     les autres. Pas plus tard que la semaine dernière, il y avait eu une bataille
     dans un bar du port. Il avait dû administrer les derniers sacrements à un jeune
     matelot qui avait reçu un coup de couteau entre les côtes. Et ces filles de
     petite vertu qui ne cessaient d’apparaître il ne savait d’où ! Tout avait mal
     commencé par plusieurs coups frappés à sa porte et un marin à

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