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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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sangloter, les franges de son châle
     trempant dans les restants d’un repas que personne ne mangerait.
    — J’savais que ma fille était la droiture même ! dit le père devant la défaite
     de Joséphine. J’veux pus jamais en entendre parler.
    Et il s’en alla tranquillement dans sa chambre, sans un regard pour sa fille
     éplorée. Pour lui, la question était maintenant définitivement réglée. Il
     pouvait aller faire une petite sieste l’esprit en paix.

    Patrick n’en revenait pas. Il s’était fait jeter dehors sans ménagement. Le
     jeune Irlandais frissonna. C’était le début du mois de juillet et pourtant,
     l’air était encore frais. Il y avait si longtemps qu’il n’avait mis le nez
     dehors… se disait-il, tandis qu’il se dirigeait à grands pas vers la maison du
     curé, celle que Joséphine lui avait indiquée un jour. Joséphine… Elle devait
     être dans tous ses états. Rageant, il enfouit ses mains dans ses poches. Il
     revit le père de Joséphine, sa hargne, sa fureur… Le vieil homme l’avait blessé,
     non pas avec sa vulgaire canne de bois, non, il aurait pu la lui casser sur le
     dos s’il l’avait voulu… Non, c’était sa haine pour ses origines qui l’avait
     cruellement touché. Depuis qu’il avait quitté son Irlande, ce n’était pas la
     première fois qu’on l’attaquait à coups d’injures, qu’il subissait des
     injustices à cause de sa nationalité et qu’il devait faire face au racisme bête
     et méchant.Il avait appris à hausser les épaules, à ne pas trop
     s’en occuper, mais là, c’était différent. Il n’était pas assez bien pour eux,
     pour marier une de leurs filles, pour y faire une descendance peut-être ! La
     colère l’étreignait à son tour. Jamais il ne pardonnerait au père de Joséphine
     de l’avoir humilié ainsi. Foutu pays, où ses habitants n’aimaient que ceux leur
     ressemblant… Non, ce n’était pas vrai… Joséphine l’avait aimé, elle trouvait
     même charmant son accent… Joséphine…
    Quel avenir avaient-ils ? Il n’avait plus d’argent… Il se sentait perdu, rejeté
     et avait, plus que jamais, le mal du pays. Il voulait retourner chez lui…
     Qu’est-ce qui lui avait pris cet après-midi de promettre le mariage à cette
     Canadienne ! Il avait été enfermé trop longtemps. Ce n’était pas bon pour un
     homme de rester à ne rien faire ainsi, seul avec une femme à longueur de journée
     en plus. Il aurait été inhumain qu’il résiste encore… Et puis, il avait été
     sérieux, il l’avait demandée en mariage, oui ou non ? Il aurait bien pu la
     posséder, sans promesse ! « Allons, Patrick O’Connor, la colère te fait
     déparler… Tu l’aimes ben, la Joséphine… » Oui… Et s’il ramenait une femme sur sa
     terre natale ? Une épouse. C’était peut-être la solution. Il demanderait au curé
     de les aider. Ils auraient besoin d’argent pour le voyage… Où trouveraient-ils
     une telle somme ? Peut-être que Joséphine avait des économies ? Il le lui
     demanderait. Il ne doutait pas qu’elle serait au rendez-vous.
    — Bonjour, mon brave !
    Concentré dans ses réflexions, Patrick O’Connor n’avait pas remarqué l’homme à
     la soutane qui traversait le chemin pour venir à sa rencontre.
    — Je m’en allais justement vous rendre visite ! dit le curé tout
     essoufflé.
    Il venait d’avaler un gargantuesque souper. Ayant plusieurs familles à visiter
     ce soir-là, il s’était mis en route sans avoir pris le temps de digérer un peu.
     Il remontait péniblement la grande côte quimenait à la demeure
     des Mailloux quand il avait été intrigué par une haute silhouette qui dévalait
     la pente à grandes enjambées. Devant la mine sombre de l’Irlandais, le curé
     s’informa :
    — Il y a quelque chose qui ne va pas ?
    Patrick s’était arrêté de marcher et regardait le curé sans un mot.
    — Mais répondez, voyons ! Je commence à craindre le pire. Que s’est-il passé ?
     questionna le curé en déposant par terre le lourd sac qu’il transportait.
    Retrouvant la voix, le marin lâcha d’un ton plein de ressentiment :
    — Monsieur Mailloux a mis moé à la porte !
    — Allons bon ! s’exclama le curé. Ce n’est pas ça qui était convenu ! Je devais
     vous reprendre en charge quand vous auriez été guéri… dit-il en fronçant les
     sourcils. Puis, retrouvant son sourire, il enchaîna : D’ailleurs, je vous
    

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