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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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pavaner devant lui et à porter ta jolie robe, comme aujourd’hui, je
     comprends ton père d’avoir mis un terme à cette provocation. Tu devras te
     repentir, ma fille !
    — Mais monsieur le curé…
    — Il n’y a pas de mais ! Tu m’as mis dans une situation embarrassante ! Ah, les
     jeunes filles d’aujourd’hui ! Tu devrais plutôt songer à te trouver un époux au
     lieu de…
    — Mais Patrick m’a demandée en mariage ! s’écria désespérément Joséphine en se
     levant abruptement de sa chaise.
    Un lourd silence suivit cette déclaration. Dans le salon, le curé, abasourdi,
     dévisageait la jeune fille qui, les larmes aux yeux, l’affrontait
     courageusement. Dans le corridor, la servante en échappa presque son plumeau et
     retint sa respiration pour entendre la suite. « C’est la bonne femme Savard qui
     va pâlir de jalousie quand a va apprendre ça. Elle qui se vante de toujours tout
     savoir en premier… Allons, écoutons comme il faut, y faudrait pas perdre un
     précieux détail ! »
    — Je ne comprends plus rien… souffla le prêtre. Allons, ma fille, reprenons
     depuis le début, ordonna-t-il en avançant un fauteuil devant la chaise de
     Joséphine tout en l’invitant à se rasseoir.
    « Que c’est qui se passe ? Mais que c’est qui se passe ? Voyons Joséphine,
     prends une grande inspiration, assis-toé comme le curé te l’a demandé… reste
     calme… Pourquoi Patrick lui a pas parlé de sa demande ? J’comprends pus rien non
     plus… »
    — Donc, tu me dis que le jeune marin a demandé ta main ? récapitula doucement le curé.
    — Oui… répondit Joséphine. Oui, répéta-t-elle, en raffermissant sa voix. Oui,
     nous… nous avons découvert… que… nous… nous ressentions une entente certaine
     entre nous deux… pis, ben, y a dit qu’on allait se marier pis j’ai dit oui comme
     de raison… Ça fait qu’hier, y a demandé ma main à mon père… mais, mon père… y
     s’est mis à crier, pis y l’a battu à coups de canne pis… Oh, monsieur le curé !
     Papa, y veut pas que j’me marie ! Y veut que j’prenne soin de lui, pis… oh,
     monsieur le curé !
    Joséphine n’en pouvait plus. Se cachant le visage dans ses mains, elle éclata
     en sanglots.
    « Ah ben, on aura tout entendu » jubila la servante. Elle se retint pour ne pas
     éclater de rire, imaginant le vieux père Mailloux avec sa canne… Elle ne
     pourrait attendre la fin de son service pour courir raconter sa nouvelle. Elle
     trouverait bien un prétexte pour sortir du presbytère. Une commission à faire au
     magasin général. Une bobine de fil noir… oui… pour repriser…
    — Quelle histoire, dit le curé.
    Une écrasante fatigue le submergea de nouveau.
    — Ainsi, les intentions du marin auraient été honnêtes… murmura-t-il pour
     lui-même.
    Joséphine releva la tête pleine d’espoir.
    — Oh oui ! s’écria-t-elle. Y est très gentil pis y va faire un bon mari, j’en
     suis sûre. Pis rien m’empêche de prendre soin de papa, vous le savez, m’sieur le
     curé, que chus ben travaillante.
    — Oui, je sais, tu es une brave fille… Mais une brave fille qui s’est laissé
     tourner la tête… ajouta le curé sévèrement.
    Il devait se rendre complice de monsieur Mailloux… C’était la seule façon de
     sortir gagnant de cette malencontreuse affaire. Ainsi, tout ne serait pas perdu…
     hum oui… Ah, qu’il aimait cette sensationde pouvoir, de
     contrôle, qui revenait en lui. Il se sentait renaître. C’était comme si sa
     clarté d’esprit lui était revenue tout à coup. Finis les épuisants moments
     d’égarement. La voix du Seigneur le guidait encore. Il avait gagné sa bataille
     contre le Malin. Il savait de nouveau quoi penser, quoi faire et quoi dire. Il
     ne perdrait ni la face ni l’argent du père de Joséphine…
    — Mais oui, ma fille, tu t’es laissé prendre aux belles paroles de cet
     étranger ! Une chance que ton brave père a la tête sur les épaules, lui, et
     qu’il a su discerner le vrai du faux, le clinquant du joyau ! Non, laisse-moi
     parler. Tu ne seras pas la première à qui ce sera arrivé. Les créatures sont
     faibles, tout le monde sait ça. Ton père n’a fait que son devoir paternel et
     j’irai l’en féliciter, pas plus tard que tout de suite. Viens ma fille,
     rendons-nous chez toi.
    — Non, c’est pas vrai ! J’aime Patrick pis on va se marier ! affirma Joséphine
     avec

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