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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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que je suis bavarde ! Je devrai encore
     faire pénitence…
    Et tout en continuant à marmonner, la religieuse avait quitté la pièce, sans
     même s’être rendu compte que Joséphine n’avait pas écouté un traître mot de ce
     qu’elle venait de dire, toute son attention étant portée sur le petit François…
     François, son fils, aucun doute… Elle le savait, le sentait, le ressentait… Son
     fils, elle avait retrouvé son fils ! « Merci mon Dieu, merci, merci ! » Elle
     avait tant prié pour qu’il n’ait pas été adopté. « Merci mon Dieu ! Merci ! »
     Oh ! elle savait qu’il était très rare qu’un bébé soit choisi par une famille.
     Qui voudrait s’embarrasser d’une bouche supplémentaire à nourrir, à moins d’y
     être obligé ? Des enfants plus vieux, d’accord ; les garçons sont aidants sur
     une ferme, et les filles utiles dans une maison, mais un bébé, abandonné par
     surcroît, il était presque certain qu’il serait encore à l’orphelinat. Joséphine
     avait eu beau retourner tous ces arguments dans sa tête, elle ne pouvait prendre
     aucune chance et elle avait prié, prié pour que son fils l’attende et soit là
     lorsqu’elle le retrouverait…. Et ce jour était arrivé et son vœu exaucé. « Ah
     merci mon Dieu, merci ! » C’était presque trop beau. « J’dois pas pleurer non,
     j’dois pas… » s’étaitexhortée Joséphine complètement sous le
     choc de ces retrouvailles. Elle avait eu beau s’y préparer, elle ne savait plus
     comment réagir… Elle hésitait entre un besoin de s’enfuir et une irrésistible
     envie de courir jusqu’au petit garçon, de le prendre dans ses bras, de
     l’étouffer de pleurs, de joies, de rires, de regrets… « Oh oui, des regrets » se
     disait-elle en voyant son enfant si malheureux, se remémorant les paroles
     hargneuses de la religieuse. « Mon bébé, que c’est qu’y t’ont fait ? Que c’est
     que j’t’ai fait ? » s’était dit Joséphine en s’approchant doucement du
     garçonnet. À ce moment, François, subitement conscient qu’une inconnue le
     dévisageait en silence, lui avait foudroyé le cœur en lui plantant un dur et
     méchant regard droit dans les yeux. « Non, non mon bébé, avait-elle plaidé
     silencieusement à l’aide d’un timide sourire. Tu sens pas que chus ta maman ?
     J’ai pas le droit de te le dire à haute voix, mais tu m’entends pas avec ton
     âme, ton sang ? C’est moé ta maman ! Souris-moé en retour… J’t’en supplie, mon
     bébé… »
    Timidement, Joséphine avait salué l’enfant.
    — Bonjour… avait-elle réussi à articuler, étouffant sous un faux air avenant
     toute la détresse de ne pouvoir dévoiler la vérité.
    — J’te connais pas, toé ! avait répondu sèchement le petit garçon.
    Joséphine s’était accroupie devant lui.
    — J’m’appelle Joséphine… C’est moé… euh, qui va travailler icitte.
    François l’avait toisée un long moment avant de déclarer le plus sérieusement
     du monde :
    — T’es grosse !
    Ahurie, Joséphine s’était relevée. Puis, comme lorsque son amour avait éclos
     dans toute sa splendeur pour Patrick O’Connor, la jeune femme était partie d’un
     immense éclat de rire. Et comme son père avant, François en avait été estomaqué.
     Lui non plus n’avait jamais entendu rien de comparable. La grosse madame ne
     s’était pas fâchée,au contraire, elle riait et dans ce son
     résonnait une telle tendresse que François en avait eu peur. Ce n’était pas
     normal… Il devait y avoir une attrape quelque part. Valait mieux prendre les
     devants et contrôler la situation. Alors, François lui avait envoyé un de ses
     fameux coups de pied dans les tibias en lui criant :
    — T’es grosse, pis t’es pas belle !
    Et il s’était enfui en courant, loin de la nouvelle employée qui se frottait la
     jambe en gémissant de douleur, son rire éteint abruptement.
    Songeuse, Joséphine avait regardé l’enfant aller se terrer dans un autre coin
     de la salle. « Hum, ça prendra le temps qu’y faudra, mais j’va l’apprivoiser. Y
     a rien de plus fort que l’amour d’une mère… Tu l’apprendras malgré toé, mon beau
     p’tit François, tu verras ! »

    C’est ainsi que jour après jour, patiemment, Joséphine avait amadoué son fils,
     à coup de sourires et de douceurs, sans jamais se fâcher ou perdre son calme,
     malgré les centaines

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