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La complainte de l'ange noir

La complainte de l'ange noir

Titel: La complainte de l'ange noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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ne peut nier que certains pasteurs n’agissent pas comme ils le devraient.
    Il baissa la voix en une parodie de chuchotement :
    — On avance même que des moines, des frères prêcheurs, des évêques – voire des papes – ne sont pas ce qu’on attendrait qu’ils soient.
    Philip Nettler, qui s’était chargé d’attacher leurs chevaux, revint vers eux en s’essuyant les mains sur son habit de futaine marron et regarda Gurney bien en face.
    — Sir Simon, vous avons-nous jamais causé de tort ? Nous ne connaissions pas cette pauvre boulangère ou le serviteur de Messire Monck, celui qui a été assassiné de façon si barbare. Nous ne nous rendons que rarement au village. Nous ne causons aucun ennui.
    Il pinça les lèvres.
    — Les ennuis, c’est nous qui les avons, à présent.
    — Lesquels ? demanda Corbett.
    — L’une de nos soeurs a disparu. Marina.
    Gurney se tourna vers Maître Joseph, la mine soucieuse.
    — Marina, la fille du tanneur ?
    — Oui. Elle est partie hier soir pour aller voir son père, Fulke. Elle n’est pas revenue.
    Soudain, Maître Joseph vit Corbett se frotter les mains pour se réchauffer.
    — Entrez donc ! Entrez donc ! s’écria-t-il.
    Ils traversèrent la cour et pénétrèrent dans le logis. La cuisine, une longue salle aux poutres basses, abritait une imposante cheminée où brûlait un modeste feu de bûches. Du pain cuisait dans le four, embaumant l’air de sa douce odeur fraîche. La pièce était propre, mais chichement meublée : des coffres, des étagères couvertes de marmites et de poêlons, et une grande table sur tréteaux entourée de tabourets. Maître Joseph offrit du vin et de la bière, mais Corbett refusa. Groupés autour de la cheminée, ils enlevèrent leurs gants et se chauffèrent les mains. Une porte au fond s’ouvrit et les autres membres de la communauté entrèrent, forçant la curiosité du magistrat. Ils étaient seize – dix hommes et six femmes – et tous très jeunes. Ils semblaient être heureux. Les cheveux des hommes étaient coupés court, ceux des femmes relevés sur le haut du crâne et coiffés d’une simple guimpe bleue. Tous portaient chausses et jambières enfoncées dans des bottes ou de solides chaussures de cuir, sous des robes de bure ceintes d’une cordelette. Corbett se demanda brièvement comment on pouvait maintenir une certaine discipline chez de si jeunes gens, mais il écarta vite ces réflexions injustes. Ce genre de communautés mixtes se rencontrait souvent en France, et l’ordre qu’avait fondé Gilbert de Sempringham en Angleterre privilégiait le système de « maisons doubles » de femmes et d’hommes.
    Les pastoureaux prirent place à table. Maître Joseph récita le bénédicité avant que l’on serve pain et bière. Les jeunes discutaient amicalement entre eux, presque indifférents à la présence des visiteurs qui les observaient.
    — Viennent-ils tous d’ici ? murmura Corbett.
    — Cela dépend de ce que vous entendez par « ici », répondit Nettler. Quatre sont originaires du village, les autres de plus loin.
    Corbett observa les adolescents. Il savait à quelle vie de labeur harassant ils avaient échappé et s’interrogeait sur l’impression que leur ferait la Terre sainte après le froid humide de l’Angleterre. Il perçut également leur inquiétude et surprit le nom de Marina, prononcé à voix basse. Gurney les rejoignit et entra en conversation avec un jeune homme qu’il avait reconnu. Nettler s’approcha d’eux anxieusement. Soudain, Maître Joseph se raidit comme un chien d’arrêt, l’oreille aux aguets.
    — Qu’est-ce que c’est ?
    Le silence se fit. Corbett entendit le bruit, lui aussi : la voix de Ranulf et des coups sourds frappés à la porte de l’enceinte. Maître Joseph se précipita dehors. Nettler ordonna aux autres pastoureaux de ne pas bouger. Corbett, Gurney et Monck suivirent Maître Joseph dans la cour qu’ils traversèrent rapidement. Maître Joseph débarra la porte. Ranulf l’écarta sans douceur.
    — Messire Corbett ! appela-t-il. Sir Simon !
    — Que se passe-t-il, mon garçon ? demanda impatiemment Gurney.
    — L’un de vos gardes-chasse ou de vos verdiers {14} a trouvé le corps d’une jeune fille. Elle a été assassinée.
    — Dieu ait pitié de nous ! s’exclama Maître Joseph en blêmissant. Qu’il écarte cette coupe de nos lèvres ! Philip, restez ici !
    Gurney se hâtait déjà vers le père Augustin et

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