Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La complainte de l'ange noir

La complainte de l'ange noir

Titel: La complainte de l'ange noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
apprécièrent le plafond en bois, décoré de losanges aux couleurs vives. Murs et colonnes étaient couverts d’étranges frises en zigzag aux teintes soutenues et, dans le transept, des scènes de la vie du Christ, tracées d’un trait vigoureux, surgissaient à la lumière tremblotante des torches murales.
    Le silence régnait dans l’église, à présent. On avait installé une longue table sur tréteaux et six hommes avaient pris place, de chaque côté. Au haut bout, Gurney siégeait sur la cathèdre abondamment sculptée qui se trouvait habituellement sous le jubé. À l’autre bout, le père Augustin, qui faisait aussi office de secrétaire de paroisse, avait disposé parchemin, corne à encre et pierre ponce, prêt à consigner les minutes du procès. Giles Selditch, Maître Joseph et Catchpole, l’air implacable, se placèrent derrière leur seigneur. Les villageois, accroupis sur le sol, entouraient la table. Gurney fit signe à Corbett d’avancer et lui désigna un tabouret sur sa droite.
    — Sir Hugh, puis-je vous prier d’assister à ce procès ?
    Sur ce, il se leva pour déclarer la séance ouverte.
    Corbett observait, fasciné. Bien qu’ayant souvent fait fonction de juge royal, il n’avait jamais vu juger un forfait grave par un tribunal seigneurial.
    — Cette cour, entonna Gurney, va devoir se prononcer sur le décès de Marina, fille de Fulke le tanneur, qu’on a brutalement assassinée sur la lande. Elle a été violée et étranglée par un ou plusieurs inconnus, précisa-t-il en levant la main pour faire taire les clameurs. Or, enchaîna-t-il rapidement, vous connaissez nos us et coutumes. D’abord le décès doit être inscrit sur nos registres. Ensuite, si l’on rassemble assez de présomptions, on peut mettre en accusation une ou plusieurs personnes.
    Il éleva la voix :
    — Dans ce cas, l’individu ou les individus en question doivent être arrêtés et jugés équitablement devant leurs pairs à la séance suivante.
    Un choeur sourd de protestations accueillit son discours. En essuyant nerveusement ses mains sur son habit, il dévisagea les deux rangs de jurés avec un regard plus appuyé pour le bailli.
    — Vous avez tous juré sur les Écritures, déclara-t-il en montrant le gros évangéliaire sur la table. Celui qui désire apporter son témoignage doit jurer sa foi sur les Saints Évangiles. Je n’ai pas besoin de souligner que le parjure est un délit passible de la peine capitale.
    Ses paroles résonnèrent comme le glas, rappelant brutalement à ses paysans ce qu’il en coûtait de mentir à un procès de cette importance.
    Les interrogatoires débutèrent aussitôt. Le garde-chasse de Gurney prêta serment et raconta comment il avait trouvé la victime. Puis Giles Selditch décrivit les blessures en détail et Corbett lut, sur le visage des jurés et des villageois, une mortelle soif de vengeance.
    — Quand a-t-elle été assassinée, d’après vous ? demanda le seigneur.
    Le médecin haussa les épaules.
    — Le cadavre était déjà froid et recouvert de la gelée matinale. On a dû la tuer hier soir.
    — Que faisait-elle sur la lande ? s’étonna l’un des jurés avant que Gurney lui intimât l’ordre de se taire.
    Ce fut au tour de Maître Joseph de comparaître.
    — Marina appartenait à notre communauté, expliqua-t-il. Personne ne l’a obligée à en faire partie.
    Il balaya l’assistance des yeux, encouragé par les murmures d’assentiment qui suivirent ses paroles.
    — Personne ne l’a forcée à rester parmi nous.
    Il leva la main.
    — À vrai dire, le fait même qu’elle parcourait la lande prouve qu’elle avait toute liberté d’aller où bon lui semblait.
    — Pourquoi est-elle partie ? demanda Gurney d’une voix dure.
    Maître Joseph soutint son regard, attendant que le père Augustin ait fini de transcrire la question de sa plume grinçante.
    — Elle m’a dit qu’elle voulait rendre visite à son père, répondit-il finalement. Je répugnais à la laisser sortir, mais n’avais ni le droit ni un motif valable pour l’en empêcher. Cependant, j’ai senti qu’elle me mentait, qu’elle allait rencontrer quelqu’un d’autre.
    Il lança un coup d’oeil, par-dessus son épaule, au tanneur qui, accroupi près d’une colonne, enlaçait son épouse secouée de sanglots.
    — J’ignore qui. Marina devait quitter la communauté sous peu. Sa « purification » était achevée et nous espérions lui procurer, à

Weitere Kostenlose Bücher