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La complainte de l'ange noir

La complainte de l'ange noir

Titel: La complainte de l'ange noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Enfin, satisfait, il reprit son cheval et rentra à Sainte-Croix. Le palefrenier dessella sa monture et la mit à l’écurie. Corbett le regarda faire avant de lui glisser une pièce.
    — Prends bien soin de mon cheval, lui recommanda-t-il. Une longue route m’attend demain.
    — Où allez-vous, Messire ?
    — A Walsingham.
    L’homme se gratta le crâne.
    — Je vous conseillerais de revenir au village et d’emprunter le chemin qui en part. Si vous ne le quittez pas et si le temps reste au beau, vous devriez atteindre Walsingham dans l’après-midi.
    Corbett le remercia.
    — Oh, à propos, soeur Agnes, la religieuse qui a fait cette chute...
    — Qu’elle repose en paix ! Je la connaissais bien.
    — Allait-elle souvent se promener sur la falaise ?
    — Oh, non ! Quelquefois seulement. Elle était très prudente, avec sa canne et sa lanterne. Mais elle avait de la besogne à revendre.
    Le valet lui sourit, dévoilant des dents bien écartées.
    — C’est une vraie ruche, ce couvent, avec ses fermes, ses moutons et son commerce de laine !
    — Mais elle ne se rendait pas sur la falaise pour des raisons particulières ?
    — Comment cela ? demanda le valet, sur la défensive. Soeur Agnes allait où bon lui semblait. Je suis né par ici, Messire, et je vous assure que ça ne manque pas d’endroits dangereux : les falaises, c’est de la craie qui dégringole à tout moment, et sur la lande, il y a des fondrières où disparaissent cavaliers et chevaux. Et puis surtout, il y a les hautes eaux – après une pluie battante et par vent fort, la mer peut monter à la vitesse d’un cheval au galop.
    Après avoir exprimé sa gratitude au palefrenier, Corbett pénétra dans le corps de logis. La soeur hospitalière le conduisit dans la modeste hôtellerie en face de la chapelle et lui apporta une savoureuse tourte à la viande et un petit pichet de clairet, le meilleur qu’il eût goûté depuis longtemps. Puis il se retira dans sa chambre. Allongé sur le lit, sentant le sommeil le gagner, il revoyait sans cesse le promontoire isolé, battu par les vents, et la silhouette d’une religieuse qui, lanterne à la main et appuyée sur sa canne, scrutait le large au beau milieu de la nuit.

 
    CHAPITRE VII
    — Sire, vous trouverez bon que je veuille connaître la raison de la présence de Lavinius Monck au manoir de Mortlake !
    Corbett, dans les appartements royaux du prieuré augustin de Walsingham, jetait des coups d’oeil irrités à son souverain qui, installé nonchalamment sur un cous-siège regardait à l’extérieur, l’air maussade.
    De l’autre côté de la pièce, John de Warenne, comte de Surrey, le visage taillé dans du granit, s’était affalé sur une chaise devant la cheminée. Gêné, il souleva son corps massif et se frappa le genou de ses gantelets de mailles.
    — Mon bon clerc, proféra-t-il par-dessus son épaule, apprenez qu’un sujet ne doit rien exiger de son souverain.
    — Oh, silence, Surrey ! Ne jouez pas les maîtres de cérémonie !
    Le monarque, exaspéré, lorgna vers son fidèle ami et compagnon d’armes. Si seulement le comte s’abstenait de parler ! Warenne était l’homme idéal pour mener une charge contre les Écossais, mais, en matière de diplomatie, il avait la finesse et le tact d’un taureau. Édouard dévisagea son clerc en dissimulant son amusement. Corbett portait les stigmates de son voyage : lui, si calme et si posé d’habitude, était maculé de boue de la tête aux pieds et, le menton mal rasé, dardait des regards coléreux sous ses paupières tombantes. Le roi fit un geste d’apaisement.
    — Hugh ! Hugh ! Pourquoi s’énerver ainsi ?
    Il désigna la chaise à ses côtés :
    — Asseyez-vous, mon ami !
    Il se faisait charmeur, un sourire adoucissant ses traits accusés et léonins.
    — Je suis venu en pèlerinage pour rechercher la paix et la sagesse divine.
    Corbett s’approcha de lui et prit place. « Vous mentez », pensa-t-il, en observant le profil de faucon. La barbe argentée, la chevelure qui tombait jusqu’aux épaules, les grands yeux au regard franc, la bouche généreuse, tout cela n’était qu’un masque. Comploteur-né, Édouard d’Angleterre aimait l’intrigue et s’y mouvait comme un poisson dans l’eau. Mais Corbett n’était pas d’humeur à se laisser berner. Il avait chevauché toute la journée depuis le couvent Sainte-Croix et n’était arrivé à Walsingham qu’à la tombée de

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