La complainte de l'ange noir
deux mèches de cheveux, chacune dans un sachet de taffetas, une alliance et une minuscule poupée en piteux état constituaient les souvenirs de la femme de Monck et de sa fille assassinée. Une courte missive, sur du parchemin jauni et craquelé, s’avéra une lettre d’amour écrite vingt ans auparavant par l’épouse. En la lisant, Corbett se sentit pris de compassion pour Monck.
— Que ton âme repose en paix, Lavinius ! chuchota-t-il.
Il frissonna comme si des doigts glacés lui avaient effleuré la nuque. Cela lui arriverait-il ? Sa vie privée serait-elle ainsi mise à nu par un autre clerc à la suite de quelque guet-apens mortel dans une ruelle londonienne ou d’une embuscade foudroyante sur un sentier isolé ?
— Messire ?
Ranulf lui pressait l’épaule.
— Rapportez tout cela dans nos appartements. Enveloppez-le dans une couverture. N’oubliez rien !
Les deux serviteurs commencèrent à entasser les biens de Monck sur le lit.
— Et cela, c’est à qui ? s’écria Ranulf en extirpant des vêtements crasseux d’une sacoche usée.
— Probablement à Lickspittle, dit Corbett.
Il prit la chemise, le surcot et les chausses des mains de Ranulf. La chemise était tachée de sang et, comme le reste, légèrement humide. Corbett les jeta avec les autres effets.
— Assurez-vous de tout emporter, leur ordonna-t-il. Sir Simon doit être aussi curieux que nous. Et toi, Maltote, descends aux écuries et demande si, en même temps que son cadavre, on a rapporté des objets ayant appartenu à Monck.
De retour à leurs quartiers, ils examinèrent longuement les effets personnels de Monck et trouvèrent, en particulier, un petit livre et des rouleaux de parchemin. Corbett les étala sur la table et se mit à les étudier. Mais soudain Selditch entra et exprima le désir de leur prêter son concours.
— Sir Hugh, à toutes fins utiles, je vous préciserai que Monck a été tué par un carreau d’arbalète. Je n’ai décelé aucune autre marque de violence sur son cadavre, à part une légère ecchymose juste sous le nombril.
— Comment l’expliquez-vous ?
Selditch fit la moue.
— Monck a pu heurter quelque chose avant de partir ou cela s’est produit lorsqu’il a été désarçonné. Rien d’important.
— Les objets qu’il avait avec lui...
— ... ont déjà été saisis par votre serviteur, acheva le mire avec un sourire caustique. Nous n’avons trouvé aucun argent, je vous le dis tout de suite. Je soupçonne Catchpole de s’être servi.
Corbett le remercia et revint à l’étude des parchemins. Certains étaient des cartes rudimentaires de la région très semblables à celles qu’il avait déjà vues. Il y avait également un court résumé de la perte du trésor dans le Wash. D’autres gribouillages présentaient plus d’intérêt : une liste de questions établies par Monck :
˗ Lumières au large ?
˗ Lumières sur la falaise ?
˗ Cachette du trésor ?
˗ L’Ermitage ?
˗ Les souterrains sous Mortlake ?
˗ Holcombe est-il enterré dans le cimetière du village ?
˗ Où est Alan of the Marsh ?
Corbett poursuivit sa lecture en souriant à part lui. Des questions similaires portaient sur le bailli et les pastoureaux. En outre, Monck nourrissait des soupçons sur Gurney, Selditch et les soeurs de Sainte-Croix. Corbett leva les yeux.
— Alan of the Marsh, murmura-t-il.
— Qu’y a-t-il, Messire ?
— Alan of the Marsh, répéta Corbett. Je n’en sais que ce que Gurney m’en a dit. Alors comment Monck connaissait-il ce nom-là ?
Il fouilla les documents et trouva le parchemin qui lui fournit la réponse.
— Monck était peut-être à moitié fou, confia-t-il à Ranulf, mais c’était un juriste consciencieux. Il a découvert que la soeur de Holcombe, Adele, avait épousé cet Alan of the Marsh. Elle reçut en dot certaines propriétés de Bishop’s Lynn. Comme le veut la loi, la transaction fut confirmée et inscrite dans le compte rendu du shérif à l’Échiquier. Monck a dû trouver ces renseignements en passant au peigne fin les archives de l’Échiquier, juste avant son départ de Londres.
— Et alors ?
— On indiquait que Alan of the Marsh habitait Hunstanton, expliqua Corbett. Et c’est la raison de la présence de Monck. Alan of the Marsh était le beau-frère de Holcombe autant que son complice. Mais où Alan peut-il bien être enterré ? Et – question plus importante – qui sont ses
Weitere Kostenlose Bücher