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La complainte de l'ange noir

La complainte de l'ange noir

Titel: La complainte de l'ange noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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brutalement.
    Son coeur bondit de joie : la prieure avait sursauté et triturait nerveusement le crucifix qu’elle portait au cou.
    — Oui ?
    — Alan of the Marsh ? bredouilla-t-elle. Qui est-ce ?
    — Sauf votre respect, ma mère, ce n’était pas là ma question. Ce nom vous rappelle-t-il quelque chose ?
    — Bien sûr que non ! se récria-t-elle.
    — Cette question semble vous gêner.
    — On le serait à moins.
    Elle eut un sourire forcé.
    — Pourquoi le nom d’un homme devrait-il être familier à la prieure d’un couvent ? Qu’insinuez-vous ?
    — Rien du tout, répondit Ranulf insolemment. Donc, je peux certifier à Sir Hugh que le nom d’Alan of the Marsh ne signifie rien pour vous ?
    — Je n’ai jamais entendu parler de lui.
    Ranulf bondit sur ses pieds en reniflant. Maltote l’imita.
    — En ce cas, permettez-nous de prendre congé !
    Il sortit, l’air digne, riant sous cape. La soeur converse voulut les ramener droit aux écuries, mais Ranulf avait le diable au corps ; il donna un coup de coude à Maltote et s’exclama :
    — Ma soeur ?
    La religieuse âgée s’arrêta, flattée de parler à ce jeune rouquin – charmant et affable – dont les yeux pers de félin brillaient gaiement
    — Oui ?
    — C’est la première fois que je me trouve dans un couvent et celui-ci est d’une beauté à couper le souffle. Pourrions-nous le visiter ?
    La soeur redressa la tête, le regard plein de reproches.
    — Mais c’est un couvent, ici, protesta-t-elle, un lieu de recueillement pour les dames bien nées !
    Ranulf la rassura d’un geste.
    — Non, je ne veux pas voir le logis lui-même, mais plutôt le domaine.
    Il fouilla dans son aumônière, ce qui alluma une lueur de convoitise dans les yeux de la converse.
    — Je pourrais vous raccompagner aux écuries par le chemin le plus long, je suppose, et vous montrer ainsi le cloître, la chapelle et une partie des terres.
    Ranulf la remercia d’un sourire.
    — Dame, je suis votre humble serviteur !
    Et il porta à ses lèvres la main glacée et sillonnée de veines de la vieille dame en veillant à ce qu’elle s’empare bien de la pièce.
    Elle fit quelques manières mais, malgré son grand âge, les guida rapidement par les galeries et les couloirs. Bavardant comme une pie, elle les conduisit au cloître et au réfectoire, en passant par la chapelle et l’hôtellerie. Puis ils se promenèrent dans le jardin aux simples et le verger, et contournèrent l’église pour revenir vers les écuries. Ranulf dévorait tout des yeux. Mère Cecily avait menti et il espérait rapporter un indice précis et utile à son « Maître Longue Figure ». Ils passèrent devant l’entrée du cimetière. Le jeune clerc aperçut une tache brun-roux. Sans écouter les supplications de la religieuse, il ouvrit le portail et pénétra dans l’enclos sacré. Il s’arrêta, étonné : les pastoureaux travaillaient parmi les tombes, faisant de grands tas de feuilles mortes, arrachant ronces et joncs. L’un d’eux se retourna en s’appuyant sur sa binette et ôta son capuchon.
    — Maître Joseph ! s’exclama Ranulf avec jovialité. C’est donc ainsi que vous passez votre temps !
    Le chef des pastoureaux s’avança en lui rendant son sourire.
    — Nous accomplissons tous l’oeuvre de Dieu, Messire Ranulf. Pourquoi êtes-vous ici ?
    — Oh, dit Ranulf en haussant les épaules, pour accomplir l’oeuvre de Dieu, moi aussi, mais en m’y prenant différemment !
    Maître Joseph reprit son sérieux.
    — Nous sommes au courant de l’assassinat de Messire Monck. Acceptez nos condoléances !
    Ranulf le remercia d’un geste.
    — Avez-vous élucidé cette mort ?
    — Non, Maître Joseph. C’est un mystère, comme tout ce qui se passe dans la région.
    — Sir Hugh va-t-il continuer l’enquête à la place de Monck ?
    Ranulf acquiesça, un rictus aux lèvres.
    — Bien sûr ! Nous partons bientôt pour Bishop’s Lynn, mais Sir Hugh reviendra.
    Il dévisagea son interlocuteur.
    — Je suis persuadé de vous avoir déjà vu quelque part, mais où ?
    Le chef des pastoureaux remit son capuchon et reprit son travail.
    — Dans une autre vie, peut-être ! Mais votre guide s’impatiente, je crois.
    Ranulf regarda, par-dessus son épaule, la soeur converse qui se balançait incongrûment d’un pied sur l’autre.
    — Vous en avez assez vu ! Vous en avez assez vu ! suppliait-elle. La prieure va se fâcher.

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