La confession impériale
Adalgise, jadis uni à ma
sœur Gisèle, se trouvait là, avec ma belle-sœur, Gerberge, veuve de Carloman,
et mes deux neveux.
Une heureuse surprise m’attendait. Après avoir
déployé ma cavalerie autour de l’enceinte, fait courir le bruit que Pavie
s’était soumise et que nous n’étions qu’une avant-garde, Adalgise m’ouvrit ses
portes. À cet heureux événement s’ajoutait une déconvenue : Adalgise,
abandonnant sa famille, avait fui vers Constantinople. Plutôt que de garder
Gerberge et ses enfants en otage, je les fis placer dans un couvent.
De retour à Pavie avec un important butin, je
constatai que rien n’avait changé et que nos hommes, réduits à l’inaction,
commençaient à grogner. On était en novembre et l’hiver s’était installé dans
la contrée, avec des tempêtes de neige dévalant des Alpes et les premiers
froids rigoureux. Nos soldats en souffrirent mais ne manquaient de rien en
matière de subsistances et de vin ; les campagnes d’alentour, semées de
fermes opulentes, y pourvoyaient. En revanche, cet ennemi redoutable des armées
en campagne, l’ennui, commençait à se faire sentir.
Les fêtes de Noël furent d’une tristesse
affligeante. Nous les célébrâmes dans une chapelle proche de la ville, où
j’avais fait entasser notre butin de Vérone. Le printemps revenu, j’allai faire
mes dévotions pascales à Rome, où Hildegarde me rejoignit. De nouveau enceinte
et proche du terme, elle accoucha, dans les semaines qui suivirent, d’un autre
fils, auquel elle souhaita donner le nom de Pépin, comme Himiltrude l’avait
fait de son bâtard peu avant.
Les émissaires du pape Adrien m’attendaient
dans la campagne du Latium, balayée par les effluves odorants du printemps
romain. J’ai pénétré dans la Ville éternelle accompagné d’une foule de paysans
agitant des rameaux fleuris, comme pour l’entrée du Christ à Jérusalem.
Durant ce séjour, qu’Adrien s’efforça de
rendre agréable, j’éprouvai une des plus fortes émotions de mon existence de
chrétien. Je gravis à genoux l’escalier de la basilique Saint-Pierre, baisai la
pierre à chaque marche en disant une prière. Le pontife m’attendait devant la
porte de bronze du sanctuaire, entouré d’un chœur de religieux qui
chantaient : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »
Devant la confession de Pierre, je renouvelai
solennellement les promesses faites par le roi Pépin de veiller à la protection
du patrimoine romain, et Adrien celle de me garder sa confiance. De tout le
temps que je restai à Rome, j’en passai une partie à des colloques et le reste
à visiter à pied la ville, du Quirinal à l’Esquilin, du Viminal à l’Aventin,
allant de temples en lieux saints, sans dédaigner les quartiers populaires
autour des arènes où, revêtu d’un déguisement, j’évitai d’être reconnu et
importuné.
Une nuit de mai, profitant des premières
chaleurs, je ne résistai pas au désir de me baigner dans le Tibre, malgré les
ordures que charrie cet égout à ciel ouvert et l’odeur méphitique qu’il dégage.
Avant de quitter
Rome pour retourner à Pavie, j’ajoutai à la promesse faite au pape la
concession de deux duchés importants du centre et du sud de la Péninsule :
Spolète et Bénévent. Des cadeaux qui ne me coûtaient guère, ces territoires
relevant de l’obédience du basileus.
Quelques semaines plus tard, au mois de juin,
à la suite d’un siège de près d’un an, Pavie, réduite à cette extrémité par la
famine, nous ouvrit ses portes. La population avait été contrainte de dévorer
chats, chiens et rats, avant de s’attaquer aux chevaux de l’armée.
Un matin, en revenant d’un bain dans le
Ticino, des sons de trompe et des clameurs me firent sursauter. Je crus à une
nouvelle sortie des assiégés ; la ville venait de capituler. En approchant
d’une porte, j’aperçus un moine portant une haute croix, accompagné d’un
cortège d’officiers et de notables précédant le roi Didier drapé d’une tunique
rouge, assis sur un fauteuil porté à dos d’hommes, accompagné de son épouse, la
reine Ansa, et d’un enfant en bas âge.
Didier fut confié par mes soins au monastère
de Corbie, proche d’Amiens. Il y mourut quelques mois plus tard.
J’avais hâte de tenir entre mes mains la
fameuse couronne de fer des rois lombards et m’attendais à voir un joyau
comparable aux somptueuses couronnes des rois wisigoths. Elle est en
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