La confession impériale
se
soustraire ?
Son règne avait débuté par un coup d’éclat
retentissant : son refus de donner l’onction royale aux deux fils de
Gerberge et de Carloman. L’occasion était trop belle pour que Didier renonçât à
une chevauchée jusqu’aux portes de Rome. J’attendais avec inquiétude les
nouvelles d’Italie.
Le royaume de mon frère devenu vacant, qui
d’autre que moi aurait pu en revendiquer la possession ? Ma mère ? À
quarante-six ans et percluse de rhumatismes, elle était désormais incapable de
régner.
Fort des avis de mes proches, je pris la seule
décision qui s’imposât : obtenir que mes neveux, Pépin et Siagrus, fussent
déshérités. Je m’y résolus, malgré le hourvari qui accueillit cette décision,
et envoyai une armée occuper les principales villes de ce royaume sans roi.
Cela se fit sans coup férir, comme si les grands, l’armée, l’Église et la
population se furent réjouis de cet événement.
Je devenais ainsi le maître de la plus
puissante nation d’Occident, et le possesseur d’un territoire qui avait presque
les dimensions d’un empire.
4
Lorsque se produisirent les événements que je
viens de relater, j’allais avoir trente ans et toujours pas d’épouse. Une
situation qui ne pouvait guère durer plus longtemps sans laisser planer une
équivoque sur ma nature.
Les relations charnelles avec mes concubines
ou les épouses de vieux conseillers suffisaient à satisfaire ma virilité, mais
ne compensaient pas le vide matrimonial. Parmi les créatures qui se succédaient
dans ma couche, aucune n’aurait pu prétendre devenir mon épouse. Certaines ne
faisaient que passer ; je m’attachais à d’autres, mais toujours avec le
même sentiment d’une dérobade aux obligations de ma charge.
Je devais trouver une épouse, sans avoir
recours aux conseils de ma mère, bien incapable, au demeurant, d’assumer cette
fonction.
J’envoyai une ambassade au palais de l’élue
pour la conduire à Quierzy. Elle y arriva un soir d’automne, juchée sur un char
de guerre à deux roues, attelé de deux fringantes cavales, capitonné d’étoffes
précieuses et couvert d’un dais de soie, ce qui fit forte impression sur moi et
mon entourage.
J’en vis descendre, entre deux écuyers vêtus
comme des princes, une créature habillée d’une longue tunique de soie rouge.
Des nattes de cheveux d’une rousseur discrète, qui lui tombaient à la ceinture,
encadraient un visage lisse et clair comme l’ivoire, aux larges yeux verts, et
un corps long et souple. Son front portait un discret diadème d’or et de saphir
à la manière byzantine.
Mon émissaire ne m’avait pas menti dans le
portrait qu’il m’avait fait de cette princesse. En outre, je ne mis pas
longtemps à me persuader que je pouvais attendre d’elle une parfaite entente
charnelle, des héritiers et elle avait suffisamment de caractère et
d’intelligence pour m’assister dans mes fonctions.
Il fallut moins
d’une semaine à Hildegarde pour trouver sa place et ses assises dans ma cour et
s’intéresser à la marche des affaires ; moins de trois mois pour me
révéler, avec le plaisir charnel qu’elle me dispensait sans barguigner,
l’espoir d’une prochaine maternité.
Elle effectua un choix rigoureux parmi mes
servantes appelées à se joindre à celles qui l’avaient suivie dans son exil. Elle
fit de même pour ses dames de compagnie, qu’elle choisit, avec une autorité
plus inquiétante que rassurante, parmi les femmes et les filles de mes
officiers palatins. Je craignais de voir ressurgir en elle l’image de ma mère.
Le jour où je lui
reprochai, en plaisantant, d’aller un peu vite en besogne, elle me
répondit :
— Charles, mon cher époux, pardonnez mon
empressement, mais ces choix s’imposaient. Certaines des filles qui assuraient
le service du palais étaient trop jeunes et trop belles pour ne pas me laisser
suspecter des relations intimes avec vous. Je n’en suis pas offusquée :
mon père fait de même sans que son épouse y trouve à redire, mais, à dater de
ce jour, je veux être la seule à partager votre couche et à vous donner des
enfants.
Je la rassurai en la prenant dans mes bras.
— Désormais, lui dis-je, il n’y aura plus
d’autre femme que vous dans ma vie.
En m’annonçant qu’elle était enceinte, elle me
proposa, si elle donnait naissance à un garçon, de le faire baptiser de mon
nom. J’acceptai avec joie. Quelques mois plus tard,
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