La confession impériale
barboter ou
à nager dans ce bassin utilisé jadis par l’empereur Constantin ?
Cinquante, plus peut-être…
L’une de mes concubines, Maltegarde, la mère
de Rothilde, s’est assise au bord du bassin, les pieds dans l’eau, et ne me
quitte pas des yeux ; elle s’est arrogé le droit et le devoir de me
surveiller, pour le cas où j’aurais une faiblesse.
J’attends pour les jours prochains des
émissaires de mon fils cadet, Louis. Il se trouve depuis des mois sur les
marches d’Espagne et fait le siège de Barcelone occupée par les Maures de
Cordoue. Il ne me cache rien, dans ses rares courriers, de son impatience de
voir cette guerre interminable arriver à son terme. Il manque de l’énergie
nécessaire et passe plus de temps aux offices religieux qu’à cheval.
En revanche, son aîné, Charles le Jeune, donne
fréquemment de ses nouvelles. Il se trouve dans le nord de l’Empire, confronté
aux rébellions quasi permanentes des peuplades barbares. C’est un vrai chef,
valeureux et avisé, dont j’attends la pérennité de la dynastie impériale.
J’avoue que je ne
ménage guère Éginhard. Je parle, je parle et laisse rarement sa main en repos.
Parfois, lorsqu’il demande grâce, je cède à contrecœur. Il est beaucoup plus
jeune que moi, fragile mais résistant.
Il a gémi lorsque je lui ai annoncé
l’inspection que je dois entreprendre sur les rivages du Nord où les Danois
s’en donnent à cœur joie.
— Tu me suivras, lui ai-je dit. J’occuperai
mon temps de loisir à poursuivre ma confession. Nous nous reposerons le soir
sur la grève. Tu me liras des pages de Tite-Live ou de Tacite dans le bruit des
vagues…
2
Les cérémonies dans la ville sainte, prévues
pour ma consécration de roi des Lombards (Rex Francorum et Langobardorum), ont
duré des jours. Revenu en Francie, j’ai appris avec un sentiment de colère que
les Saxons, profitant de mon long séjour en Italie, avaient repris les armes et
massacré une de mes garnisons sur une rive de la Weser. J’avais l’impression,
comme la femme d’Ulysse, de recomposer la trame que la nuit elle avait
détruite.
Les suites de la campagne qui avait abouti à
la capitulation de Pavie ne me satisfaisaient pas pleinement. Les ducs de
Spolète et de Bénévent, qui avaient regimbé contre mes prétentions et celles du
pape à les placer sous l’autorité de Rome, prétendaient ne tenir leur duché que
des Byzantins, ce qui était une version fallacieuse de la réalité. Byzance se
désintéressait de ces territoires et le patrice des Romains que j’étais avait à
cœur de faire régner la paix de l’Église romaine sur toute la Péninsule.
Ma chère Hildegarde
s’est révélée aussi féconde que je l’avais espéré. Après Charles, Louis et
Pépin, elle avait donné naissance à une fille, Adélaïde, qui ne vécut que
quelques mois et que je ne connus pas. Ma descendance étant assurée, c’est
l’esprit serein et confiant que je m’engageai dans une nouvelle campagne contre
les Saxons pour leur proposer ce choix : se soumettre à la religion chrétienne
ou être exterminés. Ce n’était pas une vaine menace, ils en avaient conscience.
Je pris soin pour
cette expédition de doter mes troupes d’un armement efficace destiné à leur
permettre d’affronter guet-apens, embuscades et autres traquenards, et non des
batailles rangées, une chimère hors d’atteinte.
J’apportai le plus grand soin à l’élément
capital de mes armées : la cavalerie. Je la dotai d’un casque, d’une
broigne aux écailles de fer recouvrant la poitrine, d’un écu de bois ovale
ferré, de deux épées, l’une longue et l’autre courte, d’un arc et d’un
carquois. Je choisis les chevaux en vertu de leur résistance plus que de leur
apparence parmi les quelques centaines ramenées de chez les Lombards, réputés
pour leurs élevages.
L’infanterie n’était pas négligée mais dotée
d’un armement et de protections moins lourds afin de faciliter ses
mouvements : un coutelas, une fronde, des javelines ou des arcs.
Envisageant de lourdes pertes, j’ai prévu
quantité de chevaux de remonte, des troupeaux de bovins pour notre subsistance et
des chariots de céréales, de pois et de vin. Une solide arrière-garde montée
assurait la sécurité de ce convoi. Je me souvenais des sages prescriptions d’un
moine du palais, Fulrad, et les tenais pour paroles d’Évangile : « En
pays ennemi, mon fils, tu veilleras à ce
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