La confession impériale
dis que, s’il me restait un seul
ennemi dont j’aurais à me méfier, ce serait celui-là.
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L’année 790 s’ouvrait sur une ère de paix et
de sérénité. J’en profitai pour prendre en main, avec une nouvelle volonté de
réussite, les affaires intérieures.
Mon premier souci fut d’achever l’aménagement
de mon palais d’Aix, dans l’intention d’en faire le siège de mon gouvernement
et de cette ville une capitale, en m’efforçant d’y attirer et y retenir l’élite
intellectuelle de l’Occident.
Il ne se passait pas de semaine que mon
académie Palatine ne reçût des lettrés, des savants ou des artistes formés à
toutes les disciplines, venus de tous les horizons. Je m’attachais à les
traiter avec considération ; ils m’en remerciaient en me comblant de leurs
connaissances.
Je m’étais, depuis des années, pris de passion
pour le plain-chant, une forme d’art choral qui agrémentait des offices longs
et fastidieux. Mon épouse, Liutgarde, m’y avait initié ; Alcuin m’en donna
le goût. J’encourageai cette pratique mais ne m’y livrai pas, ma voix de
fausset me l’interdisant. En revanche, j’aurais passé des heures à écouter ces
chants, paupières closes, en me laissant pénétrer par ces suaves accents qui
donnaient des ailes à mes méditations.
Avec l’aide
d’Éginhard, mon surintendant aux constructions quand il ne faisait pas office
de secrétaire, j’apportai un soin particulier à ma demeure royale et rêvai de
lui donner un lustre capable de rivaliser avec les palais de Constantinople ou
de Cordoue. Je la dotai de portes, de préférence aux tapisseries qui, séparant
les pièces, ne procuraient qu’une apparence d’intimité. Je veillai à ce que mes
appartements privés fussent, sinon somptueux, du moins convenablement aménagés.
J’installai mon cabinet de travail de manière à ce que je puisse, de mes fenêtres,
surveiller les mouvements de la cour et des galeries à colonnades où j’aimais,
par tous les temps, me promener et disserter avec mes proches.
Pour la salle destinée à abriter les conseils
et les assemblées, je m’inspirai de celle du palais de l’empereur Constantin, à
Trêves, où je fis de fréquents séjours. Elle pouvait abriter un millier de
participants. Une autre partie des constructions fut consacrée à l’hébergement
de mes visiteurs et de mes secrétaires et conseillers, heureux de ne plus avoir
à déménager et à parcourir des centaines de lieues pour me suivre dans mes
domaines.
Je souhaitai que ma chapelle fût aussi vaste
et aussi somptueuse que celle de Ravenne. Alcuin en possédait les relevés et
m’y aida.
Je fis clore l’ensemble de ces constructions
d’une enceinte fortifiée percée de quatre portes monumentales, à la romaine, et
conservai la tour de Granus, témoignage majestueux de la puissance des
occupants qui m’avaient précédé. J’inclus dans cet ensemble les thermes que
j’utilisais quotidiennement, une ménagerie dotée d’animaux, de fauves et de
volatiles offerts par des visiteurs venus d’Afrique ou d’Orient, de vastes
espaces de jardins ornés de charmilles et de statues rapportées de Rome.
Au-delà de cette enceinte s’étendait la ville.
Ce n’était encore qu’une bourgade animée par des boutiques de marchands, des
ateliers d’artisans, des auberges de pèlerins et les comptoirs des usuriers
lombards et vénitiens.
Je pris
définitivement possession de ces lieux l’année 794.
La fête que j’organisai pour marquer cet
événement dura trois jours et trois nuits. J’y avais invité, outre mes proches
et mes officiers, quelques vassaux et des membres éminents du clergé. Liutgarde
prit en main l’organisation de ces festivités et s’en tira à merveille. Nous
avons revêtu pour l’occasion notre costume d’apparat : robe de soie rouge
à longues manches, tissée d’or et d’argent, diadème orné de saphirs et
d’émeraudes façon byzantine, et nos joyaux les plus précieux.
Nous n’avons pas, elle et moi, boudé notre
plaisir et avons participé aux jeux, aux danses et aux chants qui alternaient
avec les festins. À l’aube, j’entraînai nos convives dans les thermes pour le
premier bain de la journée.
C’est à cette époque
que je fus appelé à m’intéresser à un conflit qui n’avait rien de militaire
mais agitait la foule des fidèles.
La théorie de l’adoptianisme ne date pas de ce
siècle. Elle a pris naissance à l’aube de
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