La confession impériale
visage large et plat encadré de nattes graisseuses, étaient vêtus de
vêtements de peaux constellés de talismans et parlaient une langue inconnue qui
m’avait obligé à faire appel aux service d’un de mes missi pour traduire
leurs propos.
C’est un simple mouvement de curiosité qui les
avait poussés jusqu’à nous. Nous n’avions à échanger que des présents et des
paroles de courtoisie. En revanche j’en appris beaucoup, grâce à la curiosité
d’Alcuin, quant à leur organisation sociale fondée sur une aristocratie
terrienne. Leur souverain, le khan, n’a pas de capitale ni de palais digne de
ce nom, mais une agglomération, un ring, ceinturée de pieux et proche
d’une mer intérieure, le lac Balaton. Ils passent pour être d’habiles éleveurs
de chevaux et des guerriers intrépides.
Lors d’une
expédition contre Tassilon, j’avais naguère remonté le Danube jusqu’à leur
frontière pour leur demander raison de leur alliance avec l’ennemi. Il m’aurait
été loisible, étant donné l’importance de mon armée, d’envahir et d’annexer ce
territoire. J’y songeais sérieusement quand une mystérieuse épidémie, en
décimant ma cavalerie, m’avait obligé à régresser, l’arme au poing, après de
furieux combats d’arrière-garde.
Je n’en avais pas
fini avec cette engeance diabolique. L’occasion de leur montrer de nouveau le
poids de mes armes allait se présenter après la disgrâce de Tassilon.
Le khan des Avars
avait imprudemment prêté son concours à des peuplades voisines, qui avaient
secoué le joug et m’avaient forcé à intervenir. Devenu mon ennemi, il n’allait
pas tarder à s’en repentir. Occupé à d’autres conflits, je confiai à Éric, duc
de Frioul, vassal de Pépin, le soin de les mater.
Des conflits internes ayant bouleversé la cour
et mis en balance l’autorité du khan, Dieu était avec nous. Éric lança ses
troupes à l’assaut du ring, franchit non sans peine les enceintes qui le
protégeaient, balaya les quelques éléments de cavalerie qui s’opposaient à lui
et tomba sur le palais où il trouva le cadavre encore chaud de Tudun, égorgé
par des officiers mutinés.
Éric n’allait pas repartir les mains vides. Il
allait trouver dans des cabanes et sous de vastes tentes de soie brodées d’or
des trésors inestimables, pour la plupart fruit du pillage d’abbayes de Bohême
et de Byzance. Il revint en Italie avec une quinzaine de chariots chargés de
butin et des colonnes de prisonniers.
C’en était fini de cette nation et de ce ring : le « pays des neuf cercles », par allusion au
labyrinthe qui ouvrait sur le palais. Tout fut rasé ou brûlé, la population
prisonnière ou dispersée.
Alors qu’il n’y avait en rien participé, Pépin
s’attribua le mérite de cette victoire facile et posa en conquérant, presque en
héros. Triomphe prématuré : nous n’en avions pas fini avec ces Barbares,
aussi âpres à la défense de leurs biens et de leurs croyances que l’avaient été
les Saxons. Ils n’allaient pas tarder à reprendre leurs armes, à sauter sur
leurs chevaux, à s’attaquer par surprise aux garnisons italiennes et à
poursuivre les pillages des lieux saints, leur activité favorite. Grands
amateurs d’objets sacrés, ils les fondaient pour en faire des bijoux.
Il fallut de longues chevauchées punitives,
des batailles rangées dans les plaines, des sacrifices importants en hommes et
en chevaux pour que les Avars renoncent à leurs méfaits.
L’immense frontière
qui sépare l’Occident de l’Orient court de la mer Baltique au nord de l’Italie.
Au-delà, vers les horizons d’où le soleil se lève, vivaient d’autres peuples
dotés d’autres mœurs et d’autres croyances. Ils ne se manifestaient guère à mon
attention, évitaient de s’informer sur nous par des ambassades et de susciter
des conflits frontaliers. Qu’aurais-je gagné à les provoquer, dans la mesure où
eux-mêmes s’en gardaient ? Il n’empêche, je rêve encore parfois de ces
immenses espaces, comme Alexandre en route vers la Perse et les Indes, mais je
n’ai ni les ambitions ni la jeunesse de ce conquérant et le désir de ce genre
d’aventure a cessé de me harceler.
J’avais d’ailleurs d’autres soucis à me
faire : les Danois multipliaient leurs agressions contre nos ports et
leurs incursions sur nos fleuves. Lorsque j’appris qu’ils avaient pris pied en
Angleterre et y installaient des tribus, je me
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