La confession impériale
chute de cheval, incapable qu’elle était de tenir
les brides. La chaleur risquant de gâter rapidement sa chair, je la fis inhumer
au monastère de Saint-Alban, quelques heures après qu’elle eut rendu son âme à
Dieu.
Cette deuxième
campagne changeait peu de la précédente : même errance à travers forêts et
marécages, embuscades vite enlevées, attaques de villages, massacres et
incendies… Je laissai à l’essaim de moines qui m’accompagnaient le soin de
détruire les idoles, d’abattre les arbres sacrés, de tenter conversions et
baptêmes.
Les soirs de victoire, à la lumière des
torches, c’était la même orgie de sang et de stupre que je ne me risquai pas à
interdire pour ne pas provoquer une mutinerie.
Un seul événement digne d’intérêt endeuilla
cette campagne. Un soir où le comte Théodoric, chef d’une colonne souabe, avait
fait allumer les feux dans son camp, sur une rive de la Weser, sa troupe avait
été assaillie par une multitude de Saxons et anéantie, comme l’avait été celle
du général romain Varus, quelques siècles plus tôt.
Je m’apprêtais à envoyer Charles réprimer un
soulèvement des Avars, humiliés mais non découragés par la prise et le pillage
de leur ring, quand, surpris par les premières pluies d’automne, je fis
demi-tour. Je ne tenais pas à passer l’hiver dans ces solitudes désolées.
Au printemps de
l’année suivante, comme poussé par des pulsions mystérieuses, je mis de nouveau
le cap à l’est. À part la défaite de Théodoric, mon armée avait été peu
éprouvée. Il m’en eût coûté de rester, sinon sur un échec – nous avions pacifié
d’immenses territoires – du moins sur une entreprise inachevée. D’autres
peuplades se maintenaient sur le pied de guerre et nous attendaient en affûtant
leurs armes.
Répondant à ma stratégie favorite, je divisai
mon armée en deux corps. L’un, commandé par Charles, partit de Cologne pour
traverser la Westphalie ; je pris le commandement de l’autre pour foncer
sur la Thuringe. Ces deux unités devaient se rejoindre dans la plaine de
Senfeld, près de Paderborn.
J’ignore comment cela se fit, mais nous étions
attendus par une horde incommensurable qui comptait nous interdire le passage
de la Lippe. La bataille s’engagea avant que nous ayons repéré un endroit
favorable à l’installation de notre camp. Je l’avais attendue longtemps, en
espérant qu’elle mettrait fin à ces interminables chevauchées.
La troupe massée sur une colline dominant le
fleuve était dépourvue de chefs dignes d’égaler Widukind. Elle nous résista
néanmoins une demi-journée avant de rompre le combat et de se disperser dans la
nuit. Nos charges de cavalerie y avaient ouvert des sillons sanglants et notre
piétaille, mieux armée que ces Barbares, avait transformé cet engagement en
massacre. Nous leur tuâmes un millier de guerriers, et en capturâmes deux
cents, parmi lesquels nombre de femmes. Nous perdîmes une centaine des nôtres
et eûmes beaucoup de chevaux éventrés.
Je n’allais pas m’en
tenir à ce succès.
Au printemps suivant, j’organisai une nouvelle
campagne, avec les mêmes troupes auxquelles s’ajoutèrent quelques contingents
d’Aquitaine fournis par mon fils Louis et de Burgondes. Décidées à mettre fin à
la rébellion, nos colonnes fondirent sur le sud de la Saxe, en direction de
l’Elbe, terme de notre campagne.
La colère s’empara de moi lorsque j’appris que
des tribus saxonnes avaient envahi les territoires des Obodrites, nos alliés du
nord de la Germanie, capturé et supplicié leur chef Widzin et quelques
religieux. Ma réaction fut immédiate et sanglante. : je fis massacrer
plusieurs centaines de Saxons et en fit conduire un millier d’autres en Francie
pour les réduire en esclavage.
Une troisième
campagne me fut nécessaire pour achever la pacification des dernières peuplades
rebelles. Elle dura tout un été, sans bataille digne de ce nom, mais nous
permit d’envoyer d’autres prisonniers œuvrer dans mes domaines et ceux de mes
vassaux.
Je croyais y avoir mis un coup d’arrêt à ces
guerres interminables qui faisaient de moi un Sardanapale plus qu’un roi David.
Il restait dans la Wihmodie, entre Weser et
Elbe, une contrée de landes et de marécages, dernier sanctuaire de la
résistance. Ce pays n’était pas un désert facile à traverser ; il était
défendu par un réseau de forteresses de bois entourées de forts
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