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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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et le gardien de son œuvre.
    Le pape Léon voulait
que cette cérémonie étonnât le monde, mais son organisation comme sa liturgie
posaient des problèmes : il n’y a pas eu d’empereur d’Occident depuis
Constantin le Grand, il y a cinq siècles, et il reste peu de documents relatifs
à ce rite, sur quoi s’appuyer plutôt que d’innover.
    Je n’eus pas à me préoccuper de ces préparatifs
et n’y aurais été d’aucun secours. Dépourvue de tout document, l’Église romaine
choisit de s’inspirer de Byzance. On passa jours et nuits, durant une semaine,
à réajuster la cérémonie de manière à gommer ce qu’il y avait de particularisme
dans le rite de Constantinople.
    Le choix du lieu s’imposa d’emblée : ce
serait la basilique Saint-Pierre, lieu sacré par excellence, plutôt que quelque
autre église de Rome, comme Sainte-Marie-Majeure, dont le nom, je ne sais
pourquoi, avait été avancé.
    — La confession de saint Pierre, me dit
Léon, est le seul autel digne de recevoir votre serment. Cet apôtre du Christ
est vénéré dans tout l’Occident.
    J’avais exigé la
présence de mon fils aîné, Charles. Il se trouvait dans les parages de
Bénévent, occupé à mater les derniers soubresauts des rébellions
indépendantistes. En quelques jours, il avait franchi les Apennins, s’était
agenouillé devant son père et m’avait baisé la main, comme je lui avais appris
à le faire.
    À près de trente ans, il était dans la pleine
possession de ses capacités physiques et mentales. Quand je lui reprochais dans
mes lettres de trop aimer les guerres et pas assez les hommes, il me répondait
qu’il ne faisait que répondre aux exigences de sa nature et ne pouvait rien y
changer, mais que peut-être, avec l’âge…
    Il avait l’allure majestueuse des conquérants.
Je retrouvais en lui les traits d’Hildegarde, la préférée de mes reines :
carrure puissante, visage clair, regard d’un bleu embué de violet, rigueur
morale… Toutes les qualités requises pour me succéder. C’est pourquoi sa
présence me paraissait nécessaire.
    La grande nef de
Saint-Pierre était illuminée a giorno dans ce sombre jour d’hiver.
    Les bourrasques de neige venues des lointaines
Abruzzes avaient transformé certains endroits de la ville en villages des
steppes qui me rappelaient mes campagnes hivernales.
    En progressant à pas lents dans la nef, vers
le tombeau de Pierre, Charles, hiératique, se tenait à mon côté, me tenant le
bras. Mon regard parcourait les alignements d’objets d’art que j’avais offerts
aux pontifes les années précédentes. Les bannières ravies à mes ennemis,
suspendues dans les espaces entre les colonnes, tremblotaient dans la chaleur
des cierges. Parmi la foule qui se pressait de part et d’autre de la nef et
jusque dans les chapelles latérales, je n’eus guère de peine à reconnaître
quelques hauts dignitaires religieux, militaires et civils ; j’aurais pu,
tant ma mémoire est bonne, mettre un nom sur chacun d’eux.
    L’odeur âcre des centaines de gros cierges qui
balisaient ma progression, s’ajoutant au froid, m’indisposait ; je
grelottais dans ma chlamyde de soie, façon byzantine, bordée de fourrure.
    Après que mon fils et moi nous fûmes
agenouillés devant la confession pour une brève séance de prière, Charles
m’aida à me relever pour me guider jusqu’à l’autel.
    Je dois dire que, quelques heures avant la
cérémonie, j’avais, par humilité, fait déposer ma couronne franque sur le
tombeau de Pierre par un officier de Latran. Le pape s’en saisit et, devant
l’autel, la remit sur ma tête, « au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit », geste suivi d’une prière générale.
    Vint ensuite le moment le plus émouvant :
l’onction par le Saint-Père, sur toutes les parties de notre corps, de la tête
aux pieds, avec l’huile de la sainte ampoule. C’est alors que montèrent de la
foule des ovations préparées et répétées à trois reprises : « À
Charles Auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique Empereur des Romains,
vie et victoire ! » Je vis avec surprise le pape s’agenouiller devant
moi pour baiser le bas de ma chlamyde, tandis que l’assistance entonnait les
acclamations chantées des laudes.
    Les fêtes
traditionnelles de Noël allaient occuper ce qui restait de cette journée :
offices religieux dans toutes les églises, prières collectives du peuple romain
sur les parvis, malgré la neige et le

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