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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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amitiés que cimentait la routine des relèves. Les croix de bois, au pied desquelles on enterrait dans une bouteille le nom du mort, commençaient à former d’interminables alignements. Les plus optimistes parlaient d’un armistice à l’été 15, la plupart n’en disaient plus rien. En traversant l’arrière pour remonter vers le front, Célestin se rendit compte qu’un semblant d’organisation avait été mis en place pour faciliter le ravitaillement en obus et en canons de 75, ainsi que l’approvisionnement des roulantes. C’était l’alcool qui circulait le plus facilement. Le courrier commençait à partir pour les familles, la censure filtrait les lettres les plus déprimantes. Le 134 e d’infanterie n’avait pas bougé. Il venait d’épauler les tirailleurs du 45 e , des troupes d’élites, pour tenter de reprendre une butte qui servait d’observatoire aux artilleurs allemands. L’attaque avait été une vraie boucherie. La section de Célestin ne s’en était pas mal sortie, elle n’avait perdu qu’un tiers de son effectif. Flachon s’en était tiré avec une éraflure au bras, Fontaine et Peuch étaient sains et saufs et le petit lieutenant Doussac avait manifesté au milieu des balles un courage de vieux briscard.
    — La veine du débutant, avait commenté Flachon.
    Ils étaient de nouveau en deuxième ligne, regroupés autour des braseros, méconnaissables sous les écharpes qui enveloppaient leurs visages mangés de barbe et les épaisses peaux de mouton passées par-dessus leurs capotes. Le petit groupe de copains fit un accueil chaleureux au jeune policier. Flachon lui donna une grande claque dans le dos.
    — V’là notre détective de retour ! Alors, à qui que tu vas passer les menottes, commissaire ?
    — À toi si tu m’appelles encore commissaire.
    Célestin salua aussi Peuch et Fontaine, se fendit de quelques plaisanteries rituelles et trouva Germain Béraud accroupi dans un coin, en train de ciseler une douille d’obus pour en faire un vase. Il avait un coup de main précis et suivait sans hésiter les courbes de son imagination, dessinant en relief un motif de feuilles et de fleurs.
    — C’est pour offrir à ta mère ?
    — J’ai pas de mère, j’ai pas de sœur, j’ai pas de femme, je fais ça juste pour passer le temps.
    Germain avait dit ça sans regarder Célestin. Il releva la tête et le reconnut. Il posa son burin et se leva.
    — Pourquoi tu te lèves ?
    Béraud se rassit, ses yeux souriaient.
    — Alors, vous voilà revenu ?
    — Tu vois bien.
    Célestin s’assit près de Germain, roula deux cigarettes. Ils se mirent à fumer.
    — Vous avez trouvé ce que vous cherchiez ?
    — En partie, oui. Il faut qu’on mette la main sur un nommé Kerivin, Noël Kerivin, un Breton qui a été mobilisé comme cycliste de liaison. Si on a de la chance, il est toujours dans le secteur.
    — Vous appelez ça une chance ? Une chance de vous faire tirer dessus, oui ! Et comment qu’on peut faire pour le retrouver ?
    — Je me demande. On ne me laissera plus sortir d’ici, et on n’est pas près d’avoir des permissions. Il faudrait que je trouve quelqu’un qui puisse bouger.
    — Il y a guère que le cuisinier.
    — C’est un jobard. Je préférerais un territorial.
    — Les pauvres, en ce moment, qu’est-ce qu’ils dégustent ! On les envoie rempierrer les routes d’accès sous le feu, ils tombent comme des mouches. Tiens, celui à qui vous aviez parlé, un soir, le type d’Orléans… Il s’est pris un obus de 155, on n’a même pas retrouvé son casque.
    Célestin repensa à la jeune femme qui l’avait invité chez elle, à la promenade le long de la Loire par la belle nuit de fin d’été, à la visite du lieutenant de Mérange qui lui avait fait quelques confidences… Anaïs Farel… La France d’après la guerre serait sans doute d’abord la France des veuves. Comme Claire de Mérange.
    — En plus, ils demandent aux moins vieux de venir compléter les effectifs, continua Béraud. Y’en a qui grognent, c’est normal.
    — La Guimauve ! C’est lui qu’il me faut ! s’exclama soudain Célestin.
    — Qui c’est, celui-là ?
    Le policier expliqua en deux mots à l’ancien pickpocket qui était La Guimauve. L’histoire amusa Germain, bien qu’il manifestât en même temps une pointe de jalousie envers une sorte de collègue.
    — Vous pensez que vous pouvez lui faire confiance ?
    — Il m’a déjà aidé à

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