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La couronne dans les ténèbres

La couronne dans les ténèbres

Titel: La couronne dans les ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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aboyant bruyamment et s’empressaient d’aller flairer les détritus. L’écuyer se leva et croisa le regard du clerc :
    — Il faut que je m’en aille, maintenant. J’ai des tâches qui m’attendent !
    Il salua Corbett et sortit de la grand-salle.
    Le clerc le regarda partir et s’aperçut que lui aussi devait s’en retourner à l’abbaye. Il avait appris beaucoup de choses, beaucoup de faits et d’événements. Il avait mal aux jambes et au dos. Il lui tardait de retrouver la propreté et l’atmosphère pure et paisible du monastère pour prendre du recul et réfléchir à ce qu’il venait de découvrir. Il prit sa cape et alla dans la cour qui semblait plus calme que la veille. Il puisa de l’eau au puits et s’aspergea les mains et le visage avant de quitter le château, silhouette solitaire et lasse que personne ne remarqua. Il s’arrêta alors, se rendant soudain compte qu’il lui faudrait rentrer seul. Se rappelant le couteau lancé lors du banquet, il décida qu’il serait plus sûr d’emprunter les rues bondées de la ville que de s’aventurer dans les bois marécageux des environs. Il se souvenait vaguement de la direction à prendre grâce aux indications précises du prieur et au chemin emprunté la veille.
    Il s’avança donc péniblement sur le sentier battu et boueux ; le ciel était couvert et un léger crachin se mit à tomber. Il croisa un chariot qui l’éclaboussa et maudit à voix basse Burnell qui l’avait expédié dans ce pays. Il arriva à la ville et pénétra sur la place du Lawnmarket ; une foule s’y était massée pour voir un pauvre hère traîné par deux chevaux jusqu’au gibet. L’homme, pieds et poings liés, était attaché sur un grand morceau de cuir bouilli que les chevaux tiraient dans la fange ; l’homme hurlait lorsque les aspérités du sol meurtrissaient son dos dénudé, tandis qu’il lui fallait endurer les sarcasmes de la populace et les détritus qu’elle lui jetait ainsi que les ordres des officiers municipaux et les litanies monotones du prêtre. Corbett ne s’arrêta pas, mais au contraire continua son chemin en jouant des coudes. Il prit garde de marcher au milieu des rues pour éviter les immondices amoncelés à l’entrée des ruelles et des masures en torchis. Échoppes et étals étaient ouverts, une charrette arborant une bannière en lambeaux et à la décoration grossière servait de scène de théâtre à une troupe de comédiens qui criaient des mots incompréhensibles pour Corbett. Des marchands le hélèrent en gueulant : « Chauds ! Chauds ! Pieds de mouton ! Côtes de boeuf ! » Des mains graisseuses agrippaient ses bras, mais il les repoussait. L’odeur de pain frais dans une boulangerie lui donna faim, mais il ne s’arrêta pas.
    Corbett se sentait las et découragé. Des scènes attirèrent son regard : un chien, une patte plus courte que les autres, flairait le cadavre gonflé d’un rat ; un chat s’enfuyait, la gueule pleine de souriceaux ; un mendiant, aux yeux morts et au corps couvert de plaies, hurlait des insultes à des gamins qui lui pissaient dessus. Corbett se rappela l’enseignement de saint Augustin : « Le péché est la rupture de toutes relations. » S’il en était ainsi, pensa Corbett, alors le péché régnait tout autour de lui. Il était seul dans ces rues immondes, il n’était plus qu’un clerc anglais solitaire dont l’épouse et l’enfant étaient morts des années auparavant, dont la seule femme aimée depuis s’était avérée être coupable d’assassinat et de haute trahison et avait fini sur le bûcher de Smithfield à Londres. Il était seul ici, au milieu d’étrangers qui voulaient sa mort. Il pensa à Ranulph, son serviteur, et regretta qu’il ne fût pas auprès de lui au lieu d’être alité dans un lointain monastère anglais, victime d’une mauvaise fièvre.
    Il tourna après St Giles dans une rue tortueuse et faillit heurter deux individus. Il marmonna des excuses et fit un pas de côté. Mais l’un des hommes lui barra le passage.
    — Comment ça va, monsieur* ?
    — Qu’est-ce que c’est* ? rétorqua spontanément Corbett avant de répéter : Que se passe-t-il ? Je ne parle pas français ! Otez-vous de mon chemin !
    — Mais, monsieur*, c’est vous qui êtes sur notre chemin ! répliqua l’un des hommes dans un anglais parfait. Venez ! Nous voudrions vous parler !
    — Allez vous faire pendre ! murmura Corbett en essayant de

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