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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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les y voit rarement… Et le Mauvais, el Malo comme on dit, est-il en Normandie ?
    Non. A Pampelune, d’après ce que j’ai su au Louvre. De là, il ne cesse d’envoyer des courriers dans ses possessions de France… Mais peut-être vogue-t-il maintenant vers Cherbourg après 100 s’être embarqué à Bordeaux 101 .
    –  Ce ne sont que va-et-vient entre Pampelune, Bordeaux et Cherbourg où moult Navarrais débarquent. C’est maintenant qu’il faudrait les assaillir et les rejeter à la mer, mais le dauphin n’en veut rien savoir.
    Au commencement d’octobre, on apprit que Jean Jouel venait de conquérir le donjon de Rolleboise. Tristan fut convoqué au Louvre le 25. Il y trouva le dauphin plus pâle que jamais, en grand état de courroux et d’inquiétude.
    Monseigneur Charles allait et venait, l’air désolé, cherchant ses mots plus que d’ordinaire, cachant sa grosse main sous un manteau dont les pans glissaient sur le dallage maculé d’empreintes boueuses : il pleuvait sur Paris depuis deux jours entiers et bien qu’on eût posé des planches sur la fange des cours, on y pataugeait jusqu’aux jarrets.
    « Où est le roi maintenant ? » se demanda Tristan.
    Il semblait que nul ne le sût, pas même son fils qui parfois frémissait comme si quelque terrible rival – le Mauvais sans doute – se fut mis à l’observer. Se sentait-il impuissant à déjouer ses manœuvres ? A le vaincre lors des prochaines batailles auxquelles il n’assisterait point ? Cet homme mou avait-il l’imagination violente ? Tristan ne voyait pas les seigneurs qui l’entouraient tant ce malade qui bientôt s’assiérait sur le trône de France captait son attention.
    – Messires, comme nous l’avions prévu, mon cousin Charles de Navarre continue à nous vouloir du mal. Son essentiel suppôt, Jouel, a pris Rolleboise. De ce donjon qui commande le cours de la basse Seine, il intercepte les naves entre Rouen et Paris et tue mes chevaucheurs… Où êtes-vous. Richard Brumare ?
Me voilà, monseigneur.
    Un grand barbu fit deux pas en avant, tourniquant dans ses mains son chaperon couleur cendre. Un jaseran de mailles légères lui tombait aux genoux. Une épée de passot pendait à sa ceinture.
    – Vous êtes, Richard, le gardien du Clos des Calées (331) . Je vais vous faire verser quarante francs or. Ils sont destinés à appa reiller et ordonner certains bateaux à mettre en la rivière de Seine pour résister à nos ennemis.
    – Ce sera fait, monseigneur, encore que ces malandrins préfèrent galoper sur la terre que d’anavier (332) .
    –  Je n’ai point de guerriers disponibles présentement.
    C’était bien là une male chance, cette pénurie d’effectifs, songea Tristan. Et la France était trop appauvrie pour acquérir des mercenaires. D’ailleurs, la plupart des hommes sachant tenir une épée préféraient s’enga ger dans les Compagnies : sans qu’on y fût plus libre on s’y enrichissait.
    –  Je viens d’apprendre qu’un Navarrais de la garnison de Mortain, Michel de Villeneuve, vient de faire prisonnier Renier le Coutelier, vicomte de Bayeux, l’un de mes meilleurs serviteurs… Je vais faire en sorte de le délivrer.
    « Comment ? » se demanda Tristan.
    Déjà, il s’ennuyait. Il eût fallu établir un constat de tout ce qui menaçait le royaume et prendre des décisions vives et opportunes. Rien de cela ne sérail accompli. En regardant les hommes qu’il côtoyait, moroses et passifs, il pouvait à plus d’un titre douter de ses sens et de sa raison. Les terribles fantômes des routiers de Brignais n’avaient point cessé de peupler certaines de ses nuits. Leur bestialité le hantait toujours. Ici, dans ce Louvre inachevé, aux cours embouées de mortiers humides ou durcis, de crottis et de bouses dilués dans des flaques glauques, il étouffait d’un lourd mésaise. Le mauvais temps, certes, mais aussi l’entourage : la plupart des prud’hommes présents n’avaient plus ni l’âge ni la force de s’opposer à la mortelle volonté des Compagnies. La France n’avait point de roi qui fût capable de rassembler et d’exalter les énergies, les courages, les volontés. Quant au dauphin, qu’eût-il pu inventer comme remède aux progrès de la canaille ? Ses courroux et ses quérimonies stériles prêtaient à sourire.
    – Partout ! dit le dauphin d’une voix lamentable. Seguin de Badefol a pris Brioude. Alors que notre fidèle Audrehem, pour éviter des

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