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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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s’agitent en votre cour, déguisés en femmes ou en nonnes, vêtus de soierie ? Incapables de manier la lance ou l’épée ? Sont-ils seulement encore capables de se hisser sur un destrier ? Ou bien préfèrent-ils chevaucher une haquenée ? »
    Le roi de Chypre, plus attaché aux choses de la vie qu’au risque d’un jugement de Dieu, s’apazima. L’ordalie n’avait-elle pas été interdite par le concile de Latran ?
    Il demanda le conseil des quelques chevaliers qui l’entouraient. Le doute envahissait visiblement son esprit mais il restait vigilant et prudent. Ne sait-on jamais. Il ne voulait pas courir les risques mortels d’un jugement de Dieu. Mais il ne pouvait point ne pas relever l’affront. Son prestige en dépendait.
    Alors qu’il hésitait et temporisait, ne sachant trop quelle attitude adopter, une voix forte et gutturale s’éleva :
    « Moi, chevalier Geoffroy de Sidon, relève votre défi, messire de Montfort ! Et vais rabattre votre braverie de ce pas ! »
    Le chevalier de Sidon n’était point enguenillé, ni bougre ni malingre. Ou, s’il l’était, il le cachait bien. Il avait un fort accent rocailleux. Région de Grèce ou pays levantin ? Je ne sus pas alors.
     
     

     
     
    J’avais déjà remarqué ce personnage lugubre. Il se tenait sur le côté du roi Hugues. Tout près de lui mais il n’avait point pipé mot jusqu’alors. Un géant.
    Il s’approcha, gifla avec violence le chevalier de Montfort et lui lança à la poitrine son gant clouté de fer. La poitrine du chevalier de Sidon arrivait à la hauteur de la tête de Foulques. Il essuya des perles de sang sur sa joue. Là où le gant l’avait atteint.
    Le chevalier de Montfort était de ma taille. Un peu plus petit que moi. Geoffroy de Sidon devait bien toiser dix pouces de plus que le baron de Beynac. Je l’observai plus avant. Il portait un surcot sans manches.
     
    Un front étroit sous des cheveux coupés courts, en brosse, aussi noirs que l’ébène, la nuque rasée de près de part et d’autre des oreilles. Des sourcils qui ne formaient qu’une seule ligne drue, épaisse, qui surmontaient un regard d’aigle. Des oreilles en chou-navet dont sortaient des poils, par touffes.
    Des narines dilatées sur un nez écrasé. Il en sortait aussi des poils, raides comme des crins de cheval. Une bouche en lame de couteau, aussi affûtée qu’un rasoir du barbier de Beynac.
    De lèvres, point. Une fente. Une simple fente. Plus étroite que celle qui filtre à travers le mézail d’un bacinet. Lorsqu’il ouvrit ce qui ressemblait à la bouche d’un cheval pour la tordre en un rictus monstrueux, je découvris des dents carnassières, plus longues que celles de ma jument, plus larges aussi. Et moins propres. Un menton proéminent, en galoche.
    Un col de taureau. Des bras aussi forts que des jambons. Des avant-bras velus et puissants, si puissants que je ne pouvais distinguer les poignets tant les attaches étaient épaisses. Tel un chêne centenaire, son tronc était posé sur des jambes puissantes mais étonnamment courtes.
    À voir la dimension de ses mollets, j’imaginais, sous le pourpoint, des cuisses qui devaient plus ressembler à des cuisseaux de cheval qu’à des cuisses de gazelle.
    Des pieds démesurés. Il devait avoir des poulaines confectionnées à des mesures d’exception. Comme ses solerets. Tiens, les solerets ! Ils me donnaient une idée. Je devrais tenter d’en loucher un mot au chevalier de Montfort à la première occasion. Notre vie en dépendait peut-être. Las, l’occasion ne se présenta pus avant l’ordalie.
    Le chevalier Geoffroy de Sidon se dressait devant le chevalier de Montfort, telle une bête de combat. Il se campait telle une bête fauve. Avant d’attaquer et de dévorer sa proie. Il aurait pu en faire des ravages contre les Godons ! À moins qu’il ne fût gascon d’origine ? Il eut mieux valu l’avoir pour ami que pour ennemi.
    Peu me challait sur l’heure. Il ne s’apprêtait point à guerroyer en Aquitaine. Il s’apprêtait à écraser un roseau : le noble et courageux chevalier de Montfort qui allait tenter de sauver notre vie. Au prix de la sienne. Bien que le chevalier ait menti, me sembla-t-il : je n’avais point vu Arnaud en notre compagnie, ce jour.
    Quelque chose me disait pourtant qu’entre David et Goliath… La force ne primait pas toujours. Or le chevalier de Montfort n’était point niquedouille. Il savait se battre aussi. N’était-il

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