La danse du loup
à la pression de ses mains, qu’elle s’était redressée au-dessus de moi. Son corps m’effleurait à peine. Il ondulait à présent, me caressait avec lenteur, exacerbait mes sens, embrasait mon esprit.
Des vagues de plaisir me submergeaient de la tête aux pieds. Cloué au sol, je planai dans l’air plus sûrement que sous l’effet de quelque plante hallucinogène que le barbier de Beynac savait administrer à ses sujets les moins calmes. Je n’avais pas encore eu le triste privilège de bénéficier de sa farmacie, mais j’éprouvais céans une bouleversante jouissance.
Sous mes paupières toujours closes, je devinais, par un jeu d’ombres et de lumières, ses tétines se balancer au rythme d’une danse étrange et envoûtante. Le feu dévorait mon corps sans que je ressentisse la moindre morsure. Ma douleur était d’une tout autre nature.
Ses cheveux, qu’elle avait dû rejeter en arrière après qu’elle m’eût ordonné de clore les yeux, effleuraient à nouveau ma poitrine plus délicatement qu’un duvet d’oie.
Ma tête oscillait de tous côtés. Je commençais à haleter.
Après un long moment qui n’en finissait pas et qui me parut pourtant trop court, l’une de ses mains abandonna la mienne. Ses doigts glissèrent sur mon corps avec lenteur, de plus en plus bas, avant de se refermer sur ma virilité pour me guider en elle avec douceur et précision.
Au contact de la partie la plus intime et la plus douce d’elle-même, je me raidis aussi violemment que si j’avais été frappé par la foudre. Mes reins se soulevèrent puissamment pour tenter de pénétrer plus profondément ses chairs les plus douces.
Elle poussa un petit cri et me rappela d’une voix blanche et rauque que je ne devais ni agir ni ouvrir les yeux. Mais la laissa faire. Elle dominait la situation et entendait en garder maîtrise pour notre plus grand plaisir.
Si je me cambrais trop rapidement, elle relevait légèrement son bassin puis replongeait sur moi, lentement, très lentement. J’étais sur les rives d’une jouissance charnelle que je craignais de ne pouvoir maîtriser encore longtemps.
Par sa patience, elle sut ralentir mes pulsions, me calmer, réveiller mon ardeur, m’apazimer à nouveau pour me porter au bord du gouffre et m’entraîner toujours plus près d’un abîme de délices.
Jusqu’au moment où je sentis sa respiration s’accélérer, ses muscles intimes se contracter et se relâcher. Son bassin plongeait, remontait, plongeait, se retirait à nouveau, puis replongeait de plus en plus profondément, de plus en plus rapidement. Je l’entendais gémir et haleter.
À l’instant précis où son corps fut parcouru par une série de spasmes violents, un éclair éblouissant me déchira les reins, me traversa les yeux. Des étoiles scintillèrent puis illuminèrent mes paupières. Je connus sur l’heure les délices d’une petite mort.
Son corps s’arc-bouta contre le mien. Elle poussa un feulement rauque et prolongé. Je hurlai mon plaisir. Dès lors nous ne fîmes plus qu’un, ococoulés l’un contre l’autre, l’un dans l’autre.
Nos corps ondulèrent encore longtemps à l’unisson. De plus en plus doucement. Lorsque j’ouvris les yeux à son invitation, ses cheveux inondaient ma poitrine. La princesse de Lusignan me souriait béatement.
Elle m’avait tout donné pour ne prendre que mon pucelage et m’offrir le sien. Avec grande et magnifique adresse : le petit cri qu’elle avait poussé lorsque j’avais déchiré ses chairs, le sable qui avait rougi sous mes fesses…
Je venais de découvrir ce jour-là ce qu’était le plaisir charnel. Et je pris conscience que, pour l’atteindre, certains êtres sans foi ni loi pouvaient être capables de se comporter comme des bêtes sauvages. Sans chercher à le partager.
« Tu ne seras pas venu à Chypre pour rien. Te rends-tu compte de tout ce que tu as vécu ? De tout ce que tu as appris ? Toutes ces expériences nouvelles devraient te servir. La dernière aussi : tu n’en seras que plus adroit avec Isabeau… me dit-elle, enjouée, en me fixant de ses yeux de jais aux pupilles dilatées. Il y a tellement de cuistres et des rustres en ce bas monde ! »
Le jour de notre séparation, le roi Hugues venait d’ordonner le banvin. Nous nous rendîmes dans les somptueuses écuries du château. De nombreux valets s’y affairaient.
Certains étrillaient des chevaux plus racés les uns que les autres,
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