La danse du loup
de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.
Mais le héraut d’armes s’accoisait. Il ne manifestait aucunement l’intention de me révéler sa science. Je devrai encore patienter de longs mois pour espérer des réponses qui ne me seraient certainement pas données.
Le chevalier Gilles de Sainte-Croix connaissait aussi la réponse. Sa vie aurait-elle été écourtée pour cette raison ? Qui « donc aurait pu avoir si grand intérêt à occulter ce secret ? Au point de verser le sang ? Au point d’occire lâchement un aussi grand chevalier ? Un homme aussi bon ?
Une seule chose était sûre : ma fée aux alumelles prenait vie. Quelque part. Plus exactement, ses armoiries existaient bel et bien. Mais lui appartenaient-elles ? Étaient-elles portées par ma haine de cœur ? Existait-elle en chair et en os ? Les idées se bousculaient dans ma tête.
La princesse de Lusignan s’approcha du chevalier hospitalier. Ils échangèrent des paroles à voix basse. Perdu dans mes pensées, je n’y prêtai qu’une attention distraite. Au bout de je ne sus combien de temps, quelqu’un s’adressa à moi. Je relevai le chef, surpris :
« Messire Brachet, la princesse Échive me prie de vous faire connaître la vérité. Elle m’a dit quel gentilhomme vous êtes. Par la grâce de son intervention en votre faveur et pour lui être agréable, je puis seulement vous dire ceci : les armes de celle que vous recherchez avec une telle opiniâtreté, sont arborées par une des branches cadettes de la famille des Guirande. Une famille qui vient de l’Albigeois et qui connut bien des malheurs. Ces armes sont portées par une orpheline, Isabeau de Guirande.
« Le chevalier de Sainte-Croix la connaissait. Malgré son jeune âge, elle l’a souvent accompagné dans les maladreries qu’il visitait, dans le service qu’il vouait aux lépreux. Au décès de ses parents, elle fut recueillie par sa tante, dame Éléonore de Guirande.
« Elles vivent, l’une et l’autre au château de Commarque qui, ainsi que vous ne pouvez l’ignorer, est l’un des fiefs du baron de Beynac. Je vous prierai, messire, de ne jamais révéler quiquionques de qui vous tenez ces informations. Votre parole d’écuyer me suffira », conclut-il.
Un coup de tonnerre éclata dans mon crâne. Je ne saurai décrire les sentiments que j’éprouvais alors, tant était grand mon émeuvement. Nous nous contentâmes de remercier le chevalier hospitalier pour la noblesse de son geste, lui promîmes le secret et prîmes congé incontinent.
Ainsi ma gente fée aux alumelles, Isabeau, existait en chair et en os. Elle logeait au château de Commarque ! À trois ou quatre lieux de la forteresse de Beynac ! Dans la vallée de la Beune ! Isabeau de Guirande était décrite comme étant, en outre, de grande vertu.
Je ne m’étais jamais rendu en ces lieux. Si ce n’était en songe, par une nuit d’hiver. Et lors des leçons que Marguerite m’avait données dans les cavernes de la vallée de la Beune.
Nous étions parvenus à Saint-Hilarion à la tombée du jour Nous avions chevauché en silence. Des pensées contradictoires se bousculaient dans ma tête au point que je réalisai que je n’avais toujours pas remercié la princesse pour son intervention insistante auprès du chevalier hospitalier.
Sans elle, j’eus dû attendre encore longtemps pour connaître la vérité. Quelques fragments de vérité, essentiels à mes yeux. Je lui pris les mains avec affection, les serrai dans les miennes. Ses yeux brillaient d’un éclat inhabituel.
« Grâce à toi, je sais maintenant. Je sais que ma quête n’avait rien d’une chimère. Une fois de plus, je te dois tant, m’amie ! Pourquoi n’ai-je pas rêvé de toi, cette nuit-là ? Pourquoi mon cœur est-il pris par cette inconnue ? Tu es grande princesse et damoiselle émerveillable. Jamais de ma vie je ne pourrais m’acquitter de mes dettes envers toi, m’amour.
— Chut, ne prononce pas ces mots et détrompe-toi. Le jour viendra où tu songeras à moi.
— Serait-ce le fruit d’un autre songe ? lui demandai-je en souriant. Ne serais-tu point un peu fagilhère ?
— Un peu sorcière ? Est-ce bien là le sens de ce mot en votre langue d’oc ? J’opinai du chef. Peut-être, peut-être… Sait-on jamais ? insinua-t-elle, non sans équivoque. Carpe diem.
« Sache profiter de l’instant présent, comme moi. Ton parcours guerrier et courtois ne fait que
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