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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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explication ou de confondre un coupable, confiné au secret comme je l’étais, sans possibilité d’interroger quiquionques. Que dis-je, préférable ? Ou bien je réussissais à prouver mon innocence en justifiant d’un solide alibi à l’heure du crime, ou bien je mourrai.
    Entre mon salut et la planche de salut sur laquelle je risquais d’être poussé de force, à moins d’avoir la tête proprement tranchée, il n’y avait qu’une coudée : la largeur de la planche. C’est dire si elle était étroite. Et il n’y avait qu’un pas : celui d’un alibi indiscutable. Il reposait sur la bonne foi du forgeron des Mirandes. Sauf à puiser dans les profondeurs de ma mémoire et dans mon esprit d’observation un indice évident susceptible de confirmer l’heure de ma présence à la forge.
    En tout dernier recours, au pire, j’en serais réduit à solliciter le jugement de Dieu. Si le baron daignait m’accorder une ultime chance de prouver mon innocence. Faute de preuves ou de témoignages convaincants et solidement étayés : après avoir coulé à pic, la probabilité de survivre enfermé, pieds et poings liés dans un sac bien lesté, était plus mince que l’épaisseur d’un cheveu d’ange.
    Le soir venu, je n’avais plus aucune notion du temps ou de l’heure, bien que la journée fût rythmée par la cloche de la chapelle Saint-Jacques. Lorsque le baron me rendit une visite que je craignais inquisitoriale, la nuit venait de tomber. Autant que je pus en juger par l’obscurité qui filtrait à travers les deux meurtrières de la pièce.
    Sans lui faire part de mes premières réflexions (cela me semblait prématuré), je le priai de bien vouloir me faire livrer quelques plumes d’oie, de l’encre à base de galles de chêne et quelques feuilles de parchemin. Un grattoir et une gomme arabique.
    Les peaux de mouton ou de chèvre que les parcheminiers utilisaient étaient chères, mais le baron était pécunieux. Et savant. Il était certes riche, mais il n’aimait pas gaspiller.
    Il saisit la clef de la librairie et en ouvrit la porte, sans aucun commentaire. Il me servit lui-même les différents ustensiles qui étaient nécessaires pour fixer ma pensée. Verba volant, scripta manent, les paroles passent, les écrits restent, aurait dit le barbier.
    Il me remit en outre quatre codex reliés in octavo en me recommandant (ça, je m’y attendais) de me laver les mains avant de les ouvrir, chaque fois que je les consulterais. Pour l’eau, le baron était généreux : Michel, le capitaine d’armes, renouvelait ou remplissait mon broc deux fois par jour.
    Je crus, un instant, qu’il s’apprêtait à me faire jurer sur la croix qui ornait la couverture, un aveu qu’il ne m’avait pas encore extorqué, faute de preuves.
    « Bertrand, tu ne connais pas ce chef-d’œuvre de la chevalerie courtoise. Prends-en connaissance. Lis, médite et que la paix soit avec toi. Puisse le Seigneur éclairer tes voies », me dit-il en posant les précieux volumes sur la table. Il se saisit du premier et le posa sur le lutrin qu’il venait de transporter de la librairie dans l’antichambre. J’y posai un œil distrait : Le Chevalier de la Charrette, d’un certain Chrétien de Troyes. Un chroniqueur qui ne m’était pas inconnu.
     
    À dater de ce soir, je ne revis pas le baron pendant toute la durée de ma réclusion.
    Jusqu’au dernier jour. Jusqu’à la veille de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
     
    Ma vie se jouait à pile et croix.

 
    Mens agitat molem.
     
    La force de l’esprit peut soulever des montagnes.
    Proverbe latin
     
     
     
     
    Chapitre 4
    À Beynac, dans l’antichambre de la librairie et dans la haute cour du château, la veille et le jour de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ, anno Domini MCCCXLV {vi} .
     
    Plusieurs jours après mon isolement dans l’antichambre de la librairie du logis seigneurial, Michel de Ferregaye, le capitaine d’armes, me donna quelques explications sur les raisons qui avaient poussé le baron, en ce jour mémorable, à affirmer au prévôt de la sénéchaussée de Sarlat, en présence de témoins, qu’il m’avait confié le jour même une mission secrète près monseigneur Duèze, évêque de Cahors.
    « Vous comprenez, messire Bertrand, me dit-il, si le baron avait déclaré que vous aviez disparu, le prévôt n’aurait pas manqué de questionner tous les gens du château à votre sujet. Or, il n’aime guère

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