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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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confondre pour autant le coupable du crime dont on m’accusait. Mais qui me laverait peut-être de tout soupçon.
    Il était tôt. Tierce venait de sonner à la cloche de la chapelle. Les deux archères en forme de croix, ouvertes sur l’Orient, projetaient sur la pierre du mur d’en face des taches blanches d’une lumière vive beaucoup plus large et plus longue que les fentes par lesquelles elles pénétraient en cette matinée ensoleillée.
    Une mésange bleue, symbole d’un ange déchu d’après la légende comme le nom qu’on lui donnait le rappelait, s’était perchée sur le bord. Elle projetait une ombre démesurée au pied de la croix. Mauvais présage. Elle poussa un petit piaillement puis s’envola dans un bruissement d’ailes.
    Le spectacle de ma réclusion manquait d’intérêt : une plume d’oie dans la main, une gomme arabique dans l’autre, des cheveux ébouriffés : elle avait pris mon regard pour celui d’un aigle blond, une espèce plus dangereuse que n’importe quel autre rapace !
    Je replongeai dans mes travaux de copiste et sursautai en attendant : “Cô-cou, cô-cou, cô-cou !” Je répondis poliment : “Cou-cou !” en relevant la tête. Le coucou me salua une dernière fois avant de s’envoler. Un heureux présage qui me mit de fort bonne humeur : les anges du bien et du mal avaient pris le temps de me rendre visite, eux.
    Dans un éclair de génie, enfin, dans un sursaut de mémoire, je me souvins que les braises rougissaient sous le soufflet du forgeron des Mirandes lorsque j’étais parvenu jusqu’à lui.
    Je l’avais interrogé à ce sujet et il m’avait affirmé “par Vulcain !” que son noiraud de compain allumait la forge à prime, le matin, pour travailler avec lui de tierce à sexte, et qu’ils l’attisaient tous les après-midi lorsque none venait de sonner. Une heure après environ, lorsque la chaleur qui se dégageait du foyer était suffisante pour chauffer les pièces de métal à blanc, ils forgeaient et martelaient jusqu’à vêpres.
    Il m’avait affirmé qu’il ne disposait d’aucune clepsydre, d’aucun cadran solaire, et qu’il n’en avait, “par Vulcain !” aucun besoin. Mieux que du papier à musique, il rythmait son travail au son des cloches, au ronronnement de la forge, à la couleur et à l’odeur du métal. Il tenait son métier de son père qui le tenait de son grand-père, et ainsi de suite depuis la nuit des temps.
    Si ses confrères procédaient autrement, il s’en moquait. Et que ce n’était pas prêt de changer ! Il avait même failli ajouter "par Vulcain !” mais il s’était ravisé pour marteler en cadence avec son compain, dans un bruit d’enfer, une barre de métal rougie par le feu, l’amincir et l’incurver avant de la plonger dans une grande cuve d’eau. Un épais nuage de vapeur en était sorti incontinent.
     
    Je tenais mon alibi mais je ne tenais pas encore le forgeron. Accepterait-il de témoigner en ma faveur ? Les riches commandes que lui passait le seigneur de Beynac le conduiraient peut-être à réfléchir deux fois avant de se renier. Par Vulcain !
    Le crime ayant été commis entre une heure et deux heures après none, soit entre quatre et cinq heures de l’après-midi selon les affirmations des serviteurs de la maison des Hospitaliers, j’étais présent à la forge des Mirandes vers quatre heures. j’y étais resté près d’une heure.
    Il était absolument impossible que je fusse présent sur les lieux du crime, compte tenu de la distance de près de trois lieues et de la qualité médiocre des sentes qui séparaient Cénac et les Mirandes. Même avec le coursier le plus rapide d’Orient ou d’Occident. Seul un centaure ailé l’aurait permis. Et encore.
    En réalité, je ne me connaissais pas de don d’ubiquité. La preuve pouvait donc être administrée, sous la réserve que le baron de Beynac daigna interroger le forgeron des Mirandes et que ce dernier confirma l’heure de ma visite. S’il s’en souvenait.
    Ce qui me semblait tout de même probable.
    Encore fallait-il qu’il puisse me reconnaître, car je ne l’avais jamais rencontré auparavant. Vivrait-il assez longtemps pour cela ? Son teint rougeaud et fortement couperosé, sa bedaine prononcée, laissaient penser à bonne chère et bon vin. Je priai le Ciel qu’il fût encore en vie le jour où le baron de Beynac accepterait de le questionner à mon sujet. À jeun, les idées claires. Je redoutai soudain

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